Je n’aime pas les bibliothèques. Je m’y sens toujours mal à l’aise, j’ignore pourquoi exactement. Pourtant, croyez-moi, j’adore les livres. Lâchez-moi lousse dans une librairie et je m’y perds pendant des heures. Je suis le genre de personne qui va se mettre le nez dans les pages d’un nouveau bouquin et m’extasier : «ça sent boooon». Mais les bibliothèques, je n’y vais pas. Il y a des gens qui y passent leur vie, surtout en fin de session. Y’en a qui y restent toute la nuit à se griller les neurones. Pas moyen de les faire bouger. Moi, je préfère les tables des cafés bondés. La table de ma cuisine. Les couloirs du pavillon J. La cafétéria, à la limite, quand ce n’est pas le fameux V-1380. Jamais je n’ai le réflexe d’aller m’isoler entre deux rangées de vieux livres usés et sales pour maximiser ma concentration. Je trouve ça déprimant.
La bibliothèque de l’UQAM me rebute particulièrement. J’ai l’impression que c’est l’endroit le plus laid et ennuyeux de l’Université du peuple. Et ce n’est pas peu dire. Il y règne une odeur constituée d’un mélange de vieux tapis poussiéreux, de pages jaunies et de déprime. Oui, ça sent la déprime. Je suis particulièrement sensible aux odeurs, faut croire. Honnêtement, j’y entre seulement en cas d’urgente nécessité, autrement dit lorsque je dois utiliser le scanneur. Pour les intéressés, il est situé dans la section de la cartographie, à environ un kilomètre de marche de l’entrée de la bibliothèque. C’est le seul scanneur accessible que je connaisse à l’UQAM, je ne me suis jamais cassé la tête à en trouver un autre. Outre ça, j’évite cet endroit comme la peste.
Quand un professeur m’oblige à y louer un livre, c’est la panique. Je ne sais jamais où aller, je me perds à chercher la rangée à laquelle correspond le code de 56 lettres et chiffres que génèrent mes recherches. Trois quarts d’heure plus tard, je finis toujours par trouver, mais c’est loin d’être un exercice que j’affectionne. Ça m’énerve.
Tout comme vous, j’ai des amis dans chacune des trois autres universités de la métropole. Ils passent tous des heures de fou à la bibliothèque de McGill, de Concordia ou de l’Université de Montréal. À les croire, la bibliothèque de droit de l’UdeM contient la moitié des ouvrages de la planète. Celles de McGill sont toutes plus magnifiques les unes que les autres. Mes amis m’y invitent parfois pour une soirée d’étude. Je n’y vais jamais, de peur de trahir ma propre institution d’enseignement. Même si je ne la fréquente jamais. Allez comprendre.
Je suis peut-être snob, au fond. Peut-être que si on posait des boiseries et qu’on changeait le tapis à la bibliothèque de l’UQAM, je daignerais y mettre les pieds. Ou pas. De toute façon, je suis inscrite dans un programme qui requiert plus de temps en salle de montage que dans un cubicule de bibliothèque. En plus, avec les sites Eurêka et Virtuose, le problème est réglé. Je profite de mon lieu du savoir sans avoir à en supporter l’odeur de renfermé. Merveilleux ! Eh, ça sonne comme une mauvaise pub. «Consultez les sites Virtuose ou Eurêka et plus jamais vous n’aurez à mettre les pieds dans la vieille et laide bibliothèque de votre université ! C’est garanti, et en plus, c’est gratuit !»
Chers amoureux des livres, j’espère ne pas vous avoir blessés. Continuez de côtoyer les bouquins défraîchis, c’est très honorable. Moi, je vais continuer de mettre mon nez dans les pages des nouveaux livres à la librairie.
Camille Carpentier
Chef de pupitre UQAM
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