Le Web revêt un nouveau masque pour les artisans qui, entre deux coups de pinceau et une maille de tricot, souhaitent remplir leur bas de laine à la 2.0.
Pantoufles aux pieds, robe de chambre sur les épaules. Dehors, 45 centimètres de poudreuse envoyée par mère Nature sur la métropole. Pas besoin, pourtant, de sortir la pelle et de déterrer le perron pour faire son magasinage culturel. La galerie d’art se retrouve maintenant sur le Web. Devant un lait de poule fumant, les internautes en jogging peuvent voir défiler de plus en plus de sites Internet d’artisanat. Les artistes du bijou à la peinture sont en mode visibilité virtuelle.
«Les méthodes traditionnelles comme il existait avant pour faire voir ses œuvres, tels que les livres d’artistes, c’est rendu un peu désuet. Le Web a vraiment remplacé ça», pense l’illustrateur, graphiste et bédéiste, Guillaume Perreault, qui ne fait toutefois pas beaucoup dans la vente en ligne. Sa page Facebook gratuite lui convient pour le moment. Il pense toutefois s’inscrire sur Etsy.
Ce site de vente d’artisanat en ligne, sans frais d’adhésion, a plus de 20 millions de membres, 800 000 boutiques virtuelles et 17 millions d’articles en vente. Les ventes ont atteint les 700 millions en octobre, selon les chiffres envoyés au Montréal Campus par la gérante en France, Bérangère Lebon. Il en coûte 0,20$ aux quatre mois pour mettre en ligne des produits. Une fois vendus, Etsy conserve 3,5% sur le prix.
David contre Internet
Pour les plus petits, la joute se joue à long terme. Le Web n’est pas une victoire assurée. Le coordonnateur de la galerie en ligne de Zone Art à Sherbrooke, Patrice Côté, a réalisé qu’Internet pouvait être un cadeau empoisonné. «On n’est pas satisfait de la galerie en ligne qu’on a sorti donc on ne s’en occupe pas vraiment, badine-t-il. Un plan d’affaires vient d’être terminé. Des changements sont à prévoir pour améliorer le site.» Pour l’instant, leurs revenus viennent des abonnements et de la publicité sur le site. «Nous avons un artiste qui a vendu une vingtaine d’œuvres dans les deux dernières années. C’est assez intéressant, mais il y en a d’autres qu’on ne vend pas du tout», mentionne le galeriste du Web.Le jeu reste physique pour Zone Art qui voit tomber dans ses poches 30% de commission pour une vente terrain et 20% pour une vente virtuelle.
La peintre Rachel Boisvert, dont le conjoint sert de webmestre, voit son nom arriver en tête de liste quand on pianote dans Google «artistes vente en ligne». Elle tient 80% de ses ventes lors d’évènements, alors que le 20% restant est réservé aux ventes en ligne. «Quand on regarde les tableaux, si on les voit sur un iPad ou un ordinateur, ce n’est pas comme si on les voyait en vrai», pense celle qui est aussi serveuse à temps partiel au Paris Grill de Québec. Si entre vingt et trente personnes visitent son site par jour, l’artiste peintre estime toutefois que la meilleure façon de se faire connaître, ce sont les rendez-vous d’artistes à travers le Québec. Pour elle, le Web, sert plutôt à accroître sa visibilité.
La Toile, c’est bien, mais la combinaison virtuelle et traditionnelle est plus profitable pour les plus petits joueurs, croit le bédéiste Guillaume Perreault. Le Web a apporté un second souffle aux ventes. «Ça permet en tout temps de faire de la vente sans tout le temps être là, pense-t-il. Si je mets mes œuvres en vente sur Etsy ou sur Facebook, je suis capable d’atteindre quelqu’un en Oregon, à Tokyo, en Allemagne.»
L’outil doit être complémentaire sans suffire seul à mettre l’artiste sur la carte. Il faut regarder pour une stratégie globale afin d’avoir différents moyens de diffuser, selon Patrice Côté de Zone Art.
Travailler pour vendre en ligne
En 2015, les entreprises génèreraient la moitié de leurs revenus en ligne via les médias sociaux, selon le cabinet américain Gartner. «Il y a des nouveaux modèles économiques qui se forment», croit le conseiller en stratégie en médias sociaux, Antoine Dupin.
De nouvelles plates-formes émergent, permettant aux artistes d’accéder directement à leur public. Certains arrivent à financer leur production avec des sites comme My Major Compagny. Cette compagnie européenne part du principe de financement participatif mondial. Les internautes sont les mécènes d’une œuvre à venir. Plus de 12 millions d’euros ont été collectés pour les 42 000 projets. Ainsi, la chanteuse Irma a été propulsée en studio en 48h par plus de 400 «producteurs» et leurs 70 000 euros. Le Panthéon de Paris continue de cumuler des dons sur les 50 000 euros qu’il a déjà amassé, alors que la fabrique de tartes Kluger de Catherine Kluger et son projet de «Food truck» a atteint plus de 5000 euros. Le magazine féminin Paulette prévoit sa sortie dans les bacs en février prochain grâce à ses quelques 500 mécènes.
Un bémol persiste. «Il y a une sorte de mythologie autour du Web qui fait qu’on a l’impression qu’une seule chanson, c’est assez pour être connu. Avant d’aller sur le Web, tout artiste doit tuer cette mythologie, c’est-à-dire, qu’il doit comprendre qu’il ne va pas forcément réussir. Internet ne va pas sans une relation de terrain», largue Antoine Dupin. Il est encore possible d’enlever ses pantoufles, de prendre une douche et de sortir de sa tanière pour serrer la pince des artistes rencontrés dans le monde 2.0.
Photo: Capture d’écran
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