Les mots du ventre

Après avoir fait le tour du monde, Le Ventriloque de Larry Tremblay est de retour à Montréal. Derrière les rideaux du Théâtre de Quat’Sous, le tourment de l’écrivain prend vie dans le personnage de Gaby. À 16 ans, elle reçoit un stylo plus puissant qu’elle croyait. Les mots qu’elle pose dans ses cahiers prennent forme dans la réalité. Elle ressent en elle le pouvoir d’écrire le plus beau roman du monde et, du coup, le désir viscéral de contrôler son entourage. À travers les confidences à son docteur aussi dérangé qu’elle, le public est plongé dans son histoire remplie de colère, de sexualité, d’espoir et d’inceste.

Au départ conçu pour être jouée par seulement deux acteurs, la pièce mise en scène par Éric Jean est portée par 10 acteurs finissants de l’École Nationale de Théâtre. Gonflés par l’envie de percer, ils sont à peine possible à distinguer, tant leur jeu est uniforme. Les filles s’effacent derrière la robe de dentelle de la jeune Gaby, alors que les gars rugissent dans l’habit terne et le discours discontinu du Docteur Limestone. Des personnages multipliés, et un décor doublé, presque symétrique, à travers lequel les acteurs tourbillonnent de façon rythmée.

L’intensité avec laquelle l’histoire nous est transmise nous fait parfois rire, parfois sursauter. Quand les filles se dévoilent en sous-vêtements, le spectateur est surpris de la douleur que peut provoquer l’écriture. Quand le frère de Gaby force le regard de sa sœur sur sa nudité, on ne s’étonne plus des coins sombres où peut nous amener la plume de Larry Tremblay.

Le plus dur à définir, c’est le vrai du faux, ou plutôt où se situe le vrai sur la ligne du temps. On commence par la fin, on pense qu’on tombe dans l’irréel, pour finalement se rendre compte que tout s’enchaîne chronologiquement, sans en être moins troublé pour autant. À moins que tout ne soit l’imagination d’une seule et même personne, un seul et même ventre.

Le Ventriloque, mise en scène par Éric Jean, Théâtre de Quat’Sous, du 11 au 15 septembre 2012

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