Prise dans une concurrence intense, le réseau des Universités du Québec déploie son armada pour recruter des professeurs dans les secteurs de l’administration et du génie.
L’École des sciences de la gestion (ESG) souffre encore des blessures de la dernière négociation de la convention collective des professeurs. L’hémorragie a eu lieu, les professeurs sont partis vers d’autres cieux. L’appât du gain a été important pour ceux qui sont partis dans les universités concurrentes de la province ou en dehors, et du secteur privé. Pour panser les plaies, l’ESG dispose aujourd’hui de deux attraits: les primes de marchés et les bourses d’enseignement du ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport (MELS).
«Attirer et retenir des professeurs de haut calibre en leur offrant des conditions de travail concurrentielles est le rôle de ces bourses», explique Esther Chouinard, responsable des relations de presse du MELS. En effet, les professeurs de ces domaines sont courtisés de toute part, à l’UQAM, mais aussi dans les autres universités. Pour maintenir un enseignement de qualité, le gouvernement a décidé de mettre la main à la pâte. Au total, 10 M$ par an sont investis dans ces bourses. En captant 363 837 $, l’UQAM a pu remettre des bourses d’enseignements à 103 professeurs l’année dernière.
«C’est un projet de soutien du gouvernement du Québec pour cinq ans», explique Ginette Legault, doyenne de l’ESG. Les bourses sont catégorisées en deux enveloppes. La première, dotée de 4,1 M $, a bénéficié à 42 professeurs de tout le Québec sur 108 candidatures au début de 2009. Ces bourses ont été directement remises par le MELS. Seules conditions: que les professeurs enseignent trois cours sur deux ans au premier cycle ou en second cycle professionnel, ne soit pas professeur régulier dans un autre établissement et titulaire d’une chair publique. «C’est une mesure pour assurer que les professeurs sont en contact direct avec les étudiants», soutient la doyenne de l’ESG.
La deuxième enveloppe, de 5,9 M$, a été distribuée aux universités. «À l’UQAM, l’enveloppe est gérée par l’administration, mentionne celle qui occupe ce poste depuis bientôt quatre ans. La consigne que nous avions est que nos huit départements décident quelle est la stratégie pour obtenir des nouveaux profs ou les retenir.»
Les huit départements décident de qui reçoit les bourses. Un moyen d’éviter des décisions arbitraires et les crises de jalousie. «Mais je pense surtout que cela crée de l’émulation. D’où l’importance que le choix se fasse par les professeurs eux-mêmes. C’est un choix collectif dans les assemblées», ajoute la doyenne. Les départements de l’ESG ont aussi gardé leur discrétion concernant leurs stratégies d’embauche. Pour beaucoup, la bourse a surtout aidé à retenir les professeurs déjà en place dans un milieu très concurrentiel.
Déclic syndical
Le corps professoral de l’École a plutôt bien accueilli ces fonds, croit la doyenne, mais elle voit surtout un soin palliatif aux manquements du Ministère. «Il y a eu un grand chantier, visant à mettre à jour les critères des codes de Classification de la recherche et des domaines d’enseignement et de recherche (CLARDER), dit-elle. En administration et en génie, ces codes n’ont pas été mises à jour.» Les codes CLARDER sont une base de calcul qui sert à calculer le coût moyen d’un étudiant en fonction de son domaine d’étude. Ainsi, un étudiant en sciences humaines coute moins cher à former qu’un étudiant en sciences physiques. De là découlent les subventions octroyées par le Ministère aux universités. «Sur ce constat, le gouvernement nous a annoncé, dans une perspective de développement social, qu’il voulait compenser la valeur moindre de nos codes», poursuit-elle. Elle croit également que les montants révisés seraient supérieurs à ce qu’ils sont aujourd’hui.
Pour le Syndicat des professeurs de l’UQAM (SPUQ), la convention collective prévoit déjà des primes de marché pouvant aller jusqu’à 20% du salaire professoral pour attirer de nouveaux professeurs. Selon le troisième vice-président Jean-Marie Lafortune, le syndicat n’était pas au courant de ce dispositif avant l’appel du Montréal Campus. «Je ne vois pas ce que le MELS viendrait faire à donner des bourses aux professeurs. Ça créerait une double gestion», s’indigne-t-il. Il balaie l’argument des codes CLARDER qui décident des subventions attribuées aux Universités en fonction du type d’étudiants qu’elles accueillent et qui n’a donc rien à voir avec les salaires des professeurs, selon lui. Il se demande aussi pourquoi ces deux domaines auraient plus de privilèges que les autres.
Ginette Legault dit que l’ESG a respecté l’esprit de la convention. «L’idée était de garder nos meilleurs professeurs, se défend-elle. Mais, nous avons convenu de respecter la convention collective. Si un département choisi de donner une bourse à un professeur qui est déjà primé par la convention, nous respectons les 20% du salaire maximum.» Elle ajoute que les bourses ont été très bien accueillies au sein de l’ESG, mais tempère. «C’est temporaire comme situation. Ce n’est pas la panacée. Les professeurs ont conscience qu’il ne s’agit pas d’une reconnaissance pour les 20 prochaines années.»
Illustration: Dominique Morin
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