L’UQAM, bastion de la résistance francophone face à l’envahisseur anglais. Une université qui a permis la sauvegarde de ce patrimoine immatériel, voué à rayonner en Amérique du Nord. La possibilité à des enfants des classes laborieuses d’obtenir des diplômes de valeur qui puissent leur permettre, à leur tour, de devenir des compagnons de la liberté en français. Une charte de la langue comme fondement à une lutte pluri-centenaire. J’en fais trop? Pas autant que Michel Laporte, premier vice-président du SPUQ. Selon lui, les cours d’anglais sont une épidémie, qui se propagent chez les jeunes étudiants. Une fois inoculé, il se transmettrait à vitesse folle au point de mettre en péril le fait français. Son remède? Une politique stricte de la langue française à l’UQAM. Pas un mot en anglais. Sauf dans des cours de langues. Et le français vivra.
Mais voilà. À vouloir jouer l’unilinguisme à outrance, l’Université du peuple oublie très souvent que le Québec se trouve encore au Canada. Qui peut prétendre alors vivre sur une île isolée du reste du monde, où l’on est capable de parler qu’une seule langue? Le monde est anglophone, et il le restera pour notre génération à tout le moins. À sortir sa carte du English forbidden, l’UQAM se met alors le doigt dans l’œil. Oui, nous sommes une université francophone, mais doit-on être une université anglophobe? L’ESG a raison de proposer des cours en anglais à de futurs financiers, gestionnaires et hommes d’affaires. Dans le business world, il est inconcevable d’avoir une formation 100% française, sans une notion d’anglais dans le programme, au risque d’avoir fourni un diplôme sans valeur. Au prix de la formation, on sent un peu l’escroquerie. On me répondra alors que le TOEIC, un test d’aptitude en anglais, est obligatoire pour obtenir son baccalauréat. Oui, mais encore faut-il être préparé à le passer. Et pour cela, sortez votre porte-monnaie, les cours sont payants. En voilà une autre escroquerie.
Le problème soulevé par cet exemple, et plus généralement, la politique de la langue française de notre Université, reflètent la dualité de la société québécoise de la langue de l’envahisseur. On l’utilise tous les jours, au point d’oublier que l’anglais a rendu le dialecte québécois une langue si différente du français international, n’en déplaise aux tenants d’un français purifié. En même temps, l’anglais est l’unique ennemi à abattre, une menace pour nous tous, qui, inoculée, se met à détruire le français de l’intérieur. Pourtant, regardez vos amis de l’ancienne métropole et de ses alentours, ceux qui utilisent shopping, week-end et parking et qui vous corrige à tout bout de champ sur vos prétendues erreurs de français, et vous remarquez qu’ils n’ont pas muté en horde de zombie de la perfide Albion, prêts à transformer votre cerveau en pâté chinois.
Cette histoire de “je t’aime, moi non plus” fait sans doute perdre les pédales à la province. Le rejet de l’anglais, aujourd’hui, est certes compréhensible, tant il s’est intégré dans l’identité culturelle au cours de ces 230 dernières années de souffrance, de sentiments d’abandon et de résignation. Il s’agit malgré tout d’une vision passéiste qui occulte la réalité du présent. Le français à Montréal va décliner dans ces vingt prochaines années, selon une étude paru le 9 septembre dernier par Office de la langue française, au point de devenir minoritaire. Mais l’anglais diminuera aussi son influence dans les chaumières de l’île, passant sous le quart de la population. On dit que la langue du travail, prédominé par l’anglais, est la clef de voûte de la préservation d’un Québec français. Pourtant, avec l’émergence des nouveaux pays dominants, comme la Russie, la Chine, mais surtout les pays d’Amérique latine, et la latinisation grandissante des États-Unis, ne voyons-nous pas le vent changer? À avoir trop montré du doigt l’anglais, n’avons-nous pas laissé une menace fantôme, un autre fléau, s’installer au sein de nos frontières linguistiques? Quid alors du russe, du chinois, du portugais ou encore de l’espagnol?
À côté de ses cours critiqués en anglais, personne à l’ESG, ni à l’UQAM, n’a sourcillé à propos du cours de comportamiento organizacional, dispensé en espagnol. L’École de gestion a beau faire polémique en anglais, elle semble mettre d’accord en espagnol. Dans 20 ans alors, l’ESG sera peut-être considérée comme une pionnière à l’UQAM, la Universidad del Quebec en Montreal.
Arnaud Stopa
Chef de pupitre UQAM
Uqam.campus@uqam.ca
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