Je suis une étudiante choyée. Lorsque le 1er du mois impose une cure minceur à mon compte bancaire et que le dernier chèque de paie n’est plus qu’un vague souvenir, mon plus grand sacrifice consiste à troquer ma Hoegaarden contre une Pabst Blue Ribbon et à me priver de manger au restaurant.
Pour certains étudiants, la situation est tout autre. Pour poursuivre leurs études supérieures et manger à leur faim, ces universitaires doivent être ingénieux. Plusieurs d’entre eux se tournent alors vers la florissante industrie du X, comme en fait foi l’article de notre journaliste Philippe Lépine (p. 5). Services d’escortes, pornographie, danses érotiques: ce milieu regorge d’occasions payantes pour de jeunes étudiants – et surtout étudiantes – qui peinent à acquitter leurs frais de scolarité.
Mais ces étudiants sont-ils prêts pour le jour où, devenus des professionnels reconnus, ils verront un concurrent malveillant fouiller dans leur passé pour y découvrir les vestiges du plus vieux métier du monde? En tant qu’étudiant, nous tentons de nous assurer l’avenir le plus brillant possible. Il est dommage de voir que, pour parvenir à décrocher leur diplôme, certains prennent le risque de voir cet avenir terni par les révélations de leurs occupations peu conventionnelles, des années plus tard.
Un moindre mal?
Évidemment, les universitaires ne vont pas tous jusqu’à vendre leurs corps pour s’éduquer convenablement. Le plus souvent, la solution consiste à demander un prêt ou à multiplier les cartes de crédit. La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) a dévoilé au début du mois que le tiers des étudiants à temps plein s’endettent auprès de leur institution financière au cours de leur baccalauréat (voir l’article de Stéphanie Maltais en p.2). Et les bénéficiaires de l’Aide financière aux études n’échappent pas à la règle. Résultat? Un étudiant sur quatre termine son baccalauréat endetté de plus de 20 000 $ Aura-t-il autant envie de commencer une maîtrise lorsque, à la fin de la vingtaine, il a déjà devant lui des années de remboursements et d’intérêts grimpants?
Malgré tout, les étudiants qui souhaitent vraiment poursuivre leur parcours universitaire, trouveront toujours une façon de le faire – peu importe les sacrifices. La question n’est donc pas de savoir si les étudiants pourront continuer d’étudier, mais plutôt à quel prix ils le feront. Ils ne devraient pas avoir à sacrifier leur qualité de vie – et surtout pas leur intégrité – pour poursuivre des études supérieures. L’accessibilité aux études, c’est le mandat du programme d’Aide financière aux études depuis des décennies. Pas celui du mouvement Desjardins ou de la Banque nationale. Pas celui de la Calèche du sexe ou du 281.
Il est donc temps que le gouvernement provincial arrête de cautionner l’injustice qui force les moins bien nantis à trouver des solutions de rechange pour payer leurs études et leur offre un programme de prêts et bourses adapté aux coûts réels de la vie étudiante. Par exemple, il est complètement ridicule, en 2011, de considérer – comme le fait l’AFE – qu’une connexion à Internet est un luxe. Il est irréaliste de croire qu’un couple gagnant 30 000 $ par année a les moyens d’aider son enfant à financer ses études universitaires. On doit arrêter de se mettre la tête dans le sable. Tant que des étudiants québécois devront faire des sacrifices plus grands que la bière cheap et le Kraft Dinner, personne ne pourra dire que le gouvernement fait sa part pour garantir des études accessibles à toute la population.
Émilie Clavel
Rédactrice en chef
redacteur.campus@uqam.ca
Laisser un commentaire