Dans la mémoire de l’Éléphant

Illustration Marc Larivière 
 

Après de longues années passées dans la poussière et la noirceur, les classiques du cinéma québécois renaissent. Trois projets inaugurés dans les derniers mois s’engagent à rendre accessibles ces œuvres oubliées ou méconnues.


Depuis l’automne dernier, Internet permet à tous les mordus de cinéma québécois de prendre connaissance d’informations qui étaient jusqu’à tout récemment quasi introuvables. Des tous premiers films muets jusqu’aux productions récentes, les sites Le cinéma au Québec au temps du muet, Éléphant, mémoire du cinéma québécois et Cinéma québécois (de la série télévisée du même nom), se sont tous donné la mission de sauvegarder et de répertorier l’histoire du cinéma québécois.

 «La plupart des films ont disparu, ils ont été détruits», rappelle le directeur des collections de la Cinémathèque québécoise, Pierre Véronneau. Ce grand cinéphile a contribué de près à la création du site Le cinéma au Québec au temps du muet. Des articles de journaux du siècle dernier et du parcours interactifs recréent le milieu du cinéma de la province de 1896 à 1930, avec quelques extraits de films restés intacts. «On a recherché énormément dans la presse québécoise, que ce soit La Patrie, La Presse ou The Gazette, parce que c’est seulement là qu’on trouve l’information. Lorsqu’on tente de reconstituer notre histoire, on n’a que des traces écrites.» 


Dépoussiérer avant qu’il ne soit trop tard

Victimes des effets du temps, la grande majorité des films québécois muets ont été détruits et sont désormais introuvables. Les séquences toujours disponibles ne sont pas demeurées en parfaite condition, mais peuvent encore être sauvées. «Beaucoup sont dans des voûtes, à gauche et à droite, souvent en mauvais état», explique la vice-présidente des communications chez Quebecor et collaboratrice au projet Éléphant, Sylvie Cordeau.

Né de l’initiative de la société de communication, Éléphant, mémoire du cinéma québécois est d’abord un projet de numérisation en haute définition de films québécois pour ensuite les rendre disponibles en location sur le service Illico. «Les artisans sont très heureux que leur travail puisse être revu ou découvert par les nouvelles générations», explique Sylvie Cordeau.

 

Pour Jean-Claude Labrecque, dont le long métrage Les Smattes a été numérisé par Éléphant, ce projet est avantageux. «Comme le film date des années 1970, il commençait à y avoir des altérations des négatifs sur la pellicule. De retrouver ces films aujourd’hui, vingt ans après, ça donne une toute autre lecture du cinéma.» Le réalisateur, également connu pour son documentaire sur Bernard Landry, À hauteur d’homme, constate que ce genre de projet répond à une réelle demande des cinéphiles. «Combien de fois les gens me téléphonent pour me demander “Pourrait-on avoir une copie des Smattes? Où peut-on visionner le documentaire sur De Gaulle?”  Et jusqu’à récemment, on n’avait aucune trace de ces films. D’ici quelques années, cette histoire devrait être réglée.» Le projet profitera aussi aux cinéastes, puisque l’argent de la location Illico leur est retourné en plus de la copie numérisée de leur œuvre. «J’aimerais en profiter pour sortir un coffret DVD des films que j’ai réalisés», poursuit Jean-Claude Labrecque.

Internet Movie Database, version québécoise

Sur son site Internet, Éléphant a créé la plus grande banque de données de films québécois en ligne, regroupant plus de 800 fiches d’identification. Comparable au site anglophone Internet Movie Database, il renferme des génériques complets en plus de divers dossiers et entrevues. «Notre site confirme le besoin qu’il y avait de répertorier les œuvres du cinéma québécois, malgré sa jeunesse et son manque de financement», estime la productrice Marie-Josée Raymond, qui a piloté ce projet en compagnie du réalisateur Claude Fournier. 
Dès leur création, une collaboration entre les sites Internet dédiés au domaine s’est rapidement formée. «Éléphant signifie également marcher en groupe, souligne Marie-Josée Raymond. Notre mission est d’être le noyau au centre de ce maillage virtuel en matière de référence sur le cinéma québécois.»

L’internaute peut ainsi trouver sur le portail d’Éléphant un lien vers le site de l’émission Cinéma québécois, diffusée l’automne dernier à l’antenne de Télé-Québec. Divisée en treize épisodes traitant chacun d’une thématique particulière, la série s’est dotée d’un portail qui vient compléter les informations télévisuelles. «C’est beaucoup plus de matériel que la série, affirme le producteur de Cinéma québécois, Claude Godbout. Le site comprend plus de 400 extraits de films en plus de fiches biographiques et techniques des gens qui ont marqué le milieu, que ce soient des techniciens ou des auteurs.»

«Dès que j’ai vu que Télé-Québec faisait une émission sur le cinéma québécois, on a placé nos sites en hyperliens, annonce Marie-Josée Raymond. C’est un site très complémentaire, qui aborde le sujet d’un angle particulier». Claude Godbout abonde dans le même sens en décrivant Cinéma Québécois comme l’outil de référence en la matière. «Nos sites sont différents, mais on s’appuie.»

 

 Devoir de mémoire


Tous s’accordent pour dire que le besoin était pressant de rendre accessibles toutes ces données sur le cinéma québécois. «Il fallait montrer les images qui subsistent et rappeler aux gens qu’il y avait déjà une très grande activité cinématographique au Québec», soutient le collaborateur du site Le cinéma au Québec au temps du muet, Pierre Véronneau. «Après soixante ans de cinéma, il était temps de conserver ces données ailleurs que dans les institutions comme la Cinémathèque ou l’Office National du Film», soutient Claude Godbout. D’autant plus que ces nouveaux projets donnent une deuxième vie aux œuvres des cinéastes, comme l’explique le réalisateur Jean-Claude Labrecque. «Maintenant, les films réalisés au Québec ont trouvé un public. Ce n’était pas le cas dans les années 1960 ou 1970,  où il y avait un espèce de nuage noir au-dessus du cinéma québécois.»

En plus de rendre accessibles au grand public les classiques du septième art québécois, ces sites Internet ont un caractère éducatif, et une portée internationale. «Le site permet aux gens d’ailleurs dans le monde de prendre connaissance de ce qui s’est fait dans le cinéma québécois; même chose pour nos étudiants et les professeurs», souligne Sylvie Cordeau au sujet d’Éléphant. Claude Godbout se réjouit également du succès de ces projets. «C’est une belle coïncidence que ces trois nouveaux sites dédiés au cinéma québécois soient lancés au même moment. Ça déclenche certainement un mouvement d’intérêt envers notre art».
 
 Le Cinéma au Québec au temps du muet :
 www.cinemamuetquebec.ca
 Éléphant, mémoire du cinéma québécois :
 http://elephant.canoe.ca
 Site de la série télévisée Cinéma québécois :
 http://cinemaquebecois.telequebec.tv
 
 
 
 
 

 

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