Rue Fullum et tournée en forme de coeur

 

Courtoisie Philippe Melillo 

 

La formation indie rock québécoise Lac Estion, de Saint-Jean-sur-Richelieu, ne fera pas honte à la ville qui a vu naître Saveur Marmelade, Capitaine Révolte et Subb. À la frontière du rock, de la chanson et du cynisme romantique, Lac Estion dévoile ses projets en pleine séance d’enregistrement.


Quelque part près d’un viaduc rue Fullum, entre une bouteille de bière vide et un poster des Beastie Boys, le chanteur de la formation Lac Estion, Simon Kingsbury réchauffe sa voix pour enregistrer ses plages. De l’autre côté du mur du studio, la radio d’un ébéniste allumée pour la nuit pousse quelques notes un peu trop fortes d’un Wish you were here. Un climat digne de vedettes du rock, pour enregistrer cet album qui doit sortir au printemps. «Si on était des vrais rockstars, on ne serait pas obligés d’enregistrer 16 heures en ligne, de nuit», proteste toutefois le principal auteur-compositeur du groupe et instigateur du projet, Pierre-Alexandre Poirier-Guay, alias PA.

 

Un projet né, comme il se doit, d’une histoire d’amour. «Au mois d’octobre l’année passée, j’ai décidé de lui [sa copine de l’époque] faire un disque pour lui dire que je l’aimais. Eh oui, c’est vraiment quétaine. Mais les tounes du disque sont encore plus quétaines que le geste en tant que tel. Imaginez», explique PA sur un blogue dédié à la scène musicale émergente issue de Sherbrooke (www.sherbrooklyn.com). Le hic, c’est que la muse en question l’a laissé quelque part entre l’enregistrement des quatre titres du EP éponyme de Lac Estion et l’impression des pochettes, quelque part aussi entre Noël et le Jour de l’An.

 

«Sans rancune», PA a décidé malgré tout de mener le projet à terme. Un an plus tard, c’est un album complet et une participation presque assurée au concours Les Francouvertes qui attendent le grand gaillard de 22 ans et sa bande. «Les Francouvertes vont nous permettre de voir où le band en est et de faire quelques conneries devant un public relativement critique.» La gérante du groupe depuis quelques mois, Sonia Ghaya, est persuadée que ce sera le moyen pour eux d’acquérir de l’expérience professionnelle. «C’est une porte ouverte sur un public qui ne les connaît pas encore», se réjouit-elle. Avec seulement trois spectacles derrière la cravate, Lac Estion devra prouver qu’il a ce qu’il faut pour faire vibrer une scène.

 

Carotte au poulet et fromage jésus

Même si Pierre-Alexandre est le principal auteur et compositeur, le chanteur Simon Kingsbury croit que Lac Estion n’est plus en formule «PA et ses musiciens», comme c’était le cas à leurs débuts. «On est repartis à neuf. Chacun y a mis de sa personnalité.» Avec Jonathan Charrette derrière les claviers, Olivier Laroche à la batterie, Simon Brault à la basse et Simon Kingsbury au micro, Lac Estion a fini par trouver sa saveur. Bien que trois membres fassent également partie du groupe Le Roi Poisson, leur musique est loin du pop-rock quasi disco des maîtres nageurs. Ce qui frappe à la première écoute, c’est le côté «chanson» et la sensibilité des textes de Lac Estion. Porté par la voix surprenante d’un Simon Kingsbury, oscillant entre Louis-Jean Cormier et Kurt Cobain, le résultat étonne par sa légèreté. «Il y a quelque chose de réconfortant dans les paroles, dans la voix de Simon qui fait que je me reconnais dans les chansons», souligne Sonia Ghaya.

 

Lac Estion a aussi un penchant pour l’absurde et la déconstruction, puisque ses membres font partie en parallèle de La Raisin Secte, un collectif musical «faisant de la destruction son art». Les deux entités sont maintenant fusionnées, parce que les membres avaient trop envie de combiner les styles en apparence incompatibles des deux aventures. «On prend le plus accessible du « n’importe quoi » et le plus original du côté chanson. En spectacle, ça passe bien», assure Simon Kingsbury. Le mariage des genres donne un résultat déconcertant. En témoigne la chanson Recette, où Simon Kingsbury chante la gloire de la carotte au poulet, des pétales au brocoli et du fromage jésus. «D’une manière ou d’une autre, tu ne vas pas en vendre tant que ça, d’albums, résume PA. Et tant qu’à ça, éclate-toi et profite du fait d’être en studio!»

 

Le quintette promet que son premier album n’aura rien à voir avec son EP achevé en février dernier. «Rien à voir dans le sens de vraiment meilleur. Vraiment meilleur sur tous les plans», résume le groupe sur sa page Myspace. «C’est certain que ça va être vraiment plus rock que ce que l’on a fait sur le EP. C’est plus complet, avec plus d’arrangements. C’est vraiment plus travaillé», précise Simon Kingsbury. «J’aspire à ce que ce soit clair et que ce soient des tracks assumées. Un trip de chanson avant un trip de studio», poursuit PA. Il avouera plus tard que l’album reste tout de même «un disque de rupture. Ça parle des pertes de mémoire, des fois où tu répètes les mêmes erreurs. Ça parle de s’isoler et d’arriver à être bien. C’est drôle, au cégep, j’avais la réputation du gars qui n’avait pas d’émotions…» Et le gars sans émotions en pense quoi, de ces relations de couple qui ont nourri la naissance de son projet? «Je vais généraliser, mais on dirait que les gens ne veulent pas se sentir obligés de rien, veulent être libres et ça paraît dans les relations. Il y a toujours un plan B, une porte de sortie, un peu moins d’esprit d’équipe! Je suis de plus en plus cynique par rapport à tout ça.»

 

Un cynisme qui disparaît rapidement sur scène. Voilà pourquoi le groupe a pour objectif de faire beaucoup de spectacles durant les mois qui viennent. Pour le reste, c’est encore un secret. PA, lui, voudrait bien entamer une tournée où les villes reliées entre elles dessineraient un cœur sur la carte du Québec. «Dans le but d’être le plus quétaine possible», conclut en riant l’auteur-compositeur.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *