Le bingo a les boules

Le bingo en perte de vitesse

Les salles de bingo se vident doucement mais sûrement, sous le regard inquiet de leurs gestionnaires. Et les coffres des organismes sans but lucratif, qui bénéficient depuis longtemps des profits du bingo, commencent à sonner creux.

Photo:Mathieu Harrisson

Le jour, le Bingo Hochelaga ressemble à un entrepôt vide. Mais le soir venu, les cris de l’animateur et des gagnants résonnent dans la grande salle. «B-12!.. G-32!…I-22!…Bingo!» Les amateurs se soumettent au hasard alphanumérique et usent les chaises à force de jasettes et de rigolades. Ils fréquentent les soirées pour briser l’isolement, en rêvant de victoire et d’argent.

Les amoureux de bingo sont toutefois une espèce en voie de disparition. En 12 ans, plus  du quart des joueurs ont déserté les salles. Selon la Société des bingos du Québec (SBQ), le vieillissement de la population et le faible renouvellement des générations de joueurs sont en cause. Ces deux facteurs occupent le premier rang des préoccupations de la filiale.

Créée en 1997, la SBQ a pour objectif de dynamiser l’industrie du bingo au Québec afin d’accroître les revenus des organismes sans but lucratif (OSBL) titulaires d’une licence. Depuis sa création, près de 120 millions de dollars ont été versés aux centaines d’organismes participants. Néanmoins, une baisse de revenus de 32 millions de dollars a été enregistrée par Loto-Québec pour une deuxième année consécutive. Sans compter qu’une vingtaine de salles ont été forcées de mettre la clé sous la porte l’an dernier. «Si le Bingo Hochelaga fermait, seize OSBL se retrouveraient dans l’embarras, voire à la rue», affirme le tenancier Raynald Piperno.

La Maison L’Échelon, qui œuvre dans le secteur de la santé mentale, fait partie des organismes qui bénéficient des retombées du Bingo Hochelaga. «Ils ont favorisé une expansion rapide de nos services à nos débuts, il y a 30 ans», affirme son directeur général, Pierre Beauchamp. Mais cette forme de financement ne représente plus qu’une part infime de ses subventions. Pour survivre, la Maison L’Échelon a été forcée de diversifier ses sources de revenus.

À bas de tabac

La mise en vigueur de la loi anti-tabac, en juillet 2006, aurait participé à la chute de popularité des soirées de bingo, selon Raynald Piperno. «Le bingo connaissait une baisse d’achalandage de 2% par année, jusqu’à ce que la loi décime 25% de la clientèle d’un seul coup.» Les fumeurs ont été incapables d’abandonner leur fidèle compagne, le temps d’une joute de trois heures. Auparavant, un énorme nuage de fumée secondaire se dissipait de la salle du Bingo Hochelaga. «On ne voyait rien à deux pas devant soi», précise-t-il. Si elle cherchait à améliorer la santé des amateurs de bingo, la loi anti-tabac a plutôt participé à leur exode vers les jeux en ligne.  Aujourd’hui, les joutes attirent environ 200  têtes grisonnantes à chacune des parties.

Kinzo à la rescousse

Le 19 octobre dernier, Loto-Québec lançait Kinzo pour venir à la rescousse des organismes devenus «orphelins» suite à la fermeture de 106 salles en dix ans. Alliant simplicité et rapidité, Kinzo mise sur un décor flamboyant et sur une ambiance festive pour attirer un public jeune. Située au 8780 boulevard Saint-Laurent, la salle peut accueillir 40 personnes à la fois. Bien peu pour impressionner Jacques Pelletier, qui prédit que Loto-Québec va d’abord récupérer les 10 millions investis avant d’aider les OSBL. «J’ai l’impression que ça ne changera pas grand chose. Plusieurs tenanciers de bingo ont justement exprimé des doutes.»

La salle futuriste du Kinzo a beau être tape-à-l’oeil, les prix à gagner n’en sont pas pour autant attrayants. «Au Bingo Hochelaga, six beaux dollars suffisent pour gagner 2 700$»,
mentionne Jacques Pelletier. Alors qu’un jackpot de bingo peut atteindre 150 000$, le nouveau projet pilote Kinzo ne propose que des prix oscillant entre 10 et 100$.

Loto-Québec mise depuis longtemps sur la combinaison gagnante de la gestion responsable des jeux de hasard et de la répartition de ses profits pour légitimer ses initiatives. La société d’État cherche aujourd’hui, grâce à la SBQ, à donner un nouveau souffle au financement des OSBL. Si la tendance se maintient, il suffira de crier bingo pour que l’expression ne veuille plus rien dire.

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Afin de moderniser le loisir bien-aimé de nos grand-mères, la SBQ a mis sur pied des jeux en réseau qui amènent les amateurs de bingo à jouer simultanément à travers les 70 salles existantes. Ils courent la chance de remporter des gros lots de plus de 100 000 $, ce que le bingo régulier ne permettait pas. Sans l’offre de produits innovants comme Le Grand Tour et le Petit Tour, l’industrie du bingo, qui vit une situation précaire, n’aurait pu soutenir les OSBL.

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