Escouades en chaises roulantes

Mois de la patrouille citoyenne

Pendant 28 jours, des équipes en chaise roulante ont sillonné les rues de l’île à la recherche de conducteurs stationnés illégalement dans des stationnements pour handicapés. Attention aux «tickets citoyens»!
Jérôme est en retard: il lui reste 5 minutes avant le début de son quart de travail au Future Shop situé rue Ste-Catherine. Mais il doit absolument passer à l’UQAM, juste le temps de déposer un travail d’économie. Pas moyen de trouver une place de stationnement disponible… sauf celle réservée aux handicapés.

L’étudiant ne pense pas à Jean-Paul Dumond, paraplégique, qui a lui aussi une course urgente à faire au centre-ville. «Ça fait 25 ans que je suis en chaise roulante, mais ça fait 25 ans que j’utilise un véhicule adapté quand même. Et c’est toujours la même histoire!» L’homme handicapé voit souvent des gens en pleine forme prendre illégalement la place qui lui est réservée. 

Près de 7000 contraventions ont été émises en 2008 pour ce genre de délit. Mais l’APQ croit que le problème est beaucoup plus répandu. «Ce genre de situation est difficile à évaluer», explique André Durocher, inspecteur du Service de police de la ville de Montréal. L’agent responsable de la sécurité routière déplore qu’on ne puisse pas affecter plus de personnel pour régler le problème.

Nicolas Messier, conseiller principal en intégration pour l’APQ et lui-même détenteur d’une vignette, est exaspéré par ce problème. Lorsqu’il n’en peut plus de constater des abus, il lui arrive de faire lui-même le message aux conducteurs fautifs. Il raconte que ceux qui se font prendre la main dans le sac sont parfois prompts à réagir. «On se fait engueuler plus souvent qu’on le pense», déplore-t-il. Jean-Paul Dumond a lui aussi vécu plusieurs situations énervantes, sans être aussi extrêmes. «Parfois, j’aimerais me transformer en policier!» blague-t-il.
La revanche des handicapés

Jean-Paul a eu sa revanche: pendant 28 jours, plusieurs escouades à roulettes ou à pied ont pu donner une contravention à Jérôme et à tous ceux qui «manquent de civisme» à l’égard des conducteurs handicapés. Le mois de février est celui de la patrouille citoyenne, une initiative lancée par l’Association des paraplégiques du Québec (APQ).

Jean-Paul Dumond et Nicolas Messier ont fait partie des milices organisées qui ont distribué de fausses contraventions et des tracts de sensibilisation. Bien que ces avis n’aient pas d’incidence monétaire pour le contrevenant, elles feront peut-être réfléchir les automobilistes qui s’exposent à une véritable amende de plus de 154$. André Durocher, porte-parole du SPVM, croit qu’à ce prix-là, «si tu en reçois une, tu t’en souviens après»! L’inspecteur sera très heureux si les escouades roulantes réussissent à sensibiliser la population. 

Pour 233 espaces de stationnement à Montréal, on en compte un seul réservé aux handicapés. «Ces places ne sont pas un privilège, affirme Nicolas Messier. C’est essentiel pour vivre une vie normale.» Selon lui, les rares endroits réservés sont indispensables. Il déplore le manque de conscience sociale de certaines personnes qui les utilisent illégalement. Des fraudeurs vont même jusqu’à falsifier des autocollants ou des vignettes pour pouvoir se stationner où bon leur semble. 

Nicolas Messier explique que ces espaces sont parfois les mieux situés et donc attrayants pour monsieur et madame tout-le-monde, qui ont déjà accès à presque 70 000 stationnements réguliers un peu partout sur l’île. Certaines périodes sont pires que d’autres. «Lorsqu’il neige ou pendant les festivals, c’est l’enfer parce que tous les conducteurs manquent de stationnements», ajoute Nicolas Messier. Peu importe le temps qu’il fait, il demeure illégal de s’installer dans un endroit réservé pour handicapés sans raison valable. L’APQ croit qu’il est important de sensibiliser la population pour diminuer le nombre d’infractions. C’est d’ailleurs la raison d’être des escouades à roulettes: ces équipes volantes ne devaient pas punir les contrevenants, mais leur faire comprendre l’ampleur de leur geste. 

Jean-Paul Dumond a toujours adoré conduire, il refuse de s’en empêcher pour un problème aussi banal. Prendre le volant est une fierté pour lui.  «Ma voiture, c’est mon autonomie.»

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