Quatre trente sous pour une piasse?

Après les fleurs, le pot. À peine ont-ils fini de célébrer l’importante augmentation de salaire obtenue à l’automne 2009 que les étudiants employés de l’UQAM déchantent. Une étude menée par le Syndicat des étudiants employés de l’UQAM révèle que le nombre d’heures rémunérées a chuté radicalement depuis 2006.
 
Illustration: Dominique Morin 
 
Travailler moins d’heures pour gagner autant d’argent. L’idée est séduisante. Pourtant, pour les étudiants employés de l’UQAM, qui ont obtenu en octobre 2009 une augmentation de salaire d’environ 20%, l’heure est aux revendications. Le Syndicat des étudiants employés de l’UQAM (SETUE) s’inquiète de la diminution des heures de travail qui perdure depuis 2006 et qui pourrait finalement annuler les gains salariaux de l’année dernière.
«Pour l’instant, nous sommes incapables de savoir où et pourquoi les heures sont coupées, s’insurge la responsable des délégués du SETUE, Caroline Jacquet. Il y a autant d’étudiants qu’avant à l’UQAM. Pourquoi y aurait-il soudainement moins de travail à effectuer?»  Selon les chiffres du Syndicat, à la mi-octobre 2006, les étudiants employés avaient travaillé 637 378 heures depuis le début de l’année. À la même période en 2010, le nombre d’heures rémunérées avait dégringolé de 30% pour atteindre 442 809. Cette baisse touche les employés de l’unité 1 du SETUE, soit les auxiliaires de recherche et d’enseignement. Cette unité réunit, entre autres, les correcteurs d’épreuves, les moniteurs de langue et les étudiants qui assistent les chercheurs de l’Université dans leurs travaux.
La masse salariale (somme totale des salaires) des étudiants employés demeure en légère augmentation pour l’année 2010, malgré la baisse des heures rémunérées. Une situation qui s’explique par l’augmentation des salaires. Toutefois, le SETUE s’inquiète d’une tendance à long terme. Si le nombre d’heures rémunérées continue de fondre au rythme des dernières années, la masse salariale pourrait glisser sous le seuil de 2006, puisqu’aucune augmentation salariale significative n’est prévue prochainement.
Le SETUE réclame que l’UQAM lui fournisse de l’information plus complète sur les raisons d’une telle baisse, afin de trouver des pistes de solutions. Or, selon le vice-recteur à la recherche et à la création de l’Université, Yves Mauffette, il ne faut pas voir de mauvaise volonté de la part de l’UQAM dans le dossier. Si elle refuse de fournir ces informations, c’est parce qu’elle ne les a tout simplement pas. «Pour déterminer les causes, il faudrait faire une analyse contrat par contrat, souligne le vice-recteur. Ce n’est pas une mince tâche.»
Cependant, Yves Mauffette ne nie pas que la baisse des heures pourrait être liée à l’augmentation de salaire consentie aux membres du SETUE en 2009. Les budgets de recherche sont octroyés pour une période de trois ans. Ceux accordés avant la signature de la nouvelle convention collective ne tenaient pas compte de l’augmentation de salaire des auxiliaires de recherche. «Les demandes faites depuis, par contre, tiennent compte de l’augmentation», insiste Yves Mauffette. Le vice-recteur qualifie donc la situation de «période de transition» et est très confiant de voir la situation se rétablir dans les prochaines années.
Temps emprunté ou temps volé?
Les chercheurs de l’UQAM ne sont pas les seuls à se serrer la ceinture quand vient le temps d’engager des étudiants. Depuis la signature de la convention collective, le SETUE s’inquiète de voir rétrécir les contrats des assistants de correction. Pourtant, le nombre d’étudiants inscrits aux cours ne semble pas avoir diminué de façon assez significative pour justifier une telle baisse, comme le souligne une étude intitulée Préserver des emplois dans un milieu précaire, réalisée par l’ancien président du SETUE, Alexandre Leduc, et publiée l’automne dernier. Comment se fait-il que les étudiants corrigent soudainement le même nombre de copies en moins d’heures qu’auparavant? Selon Caroline Jacquet, du SETUE, la réponse est très simple: les correcteurs effectueraient de plus en plus d’heures bénévoles pour accomplir les tâches que leur confient les enseignants. «Les correcteurs ont l’impression de mal faire leur travail, croit la responsable des délégués du Syndicat. Si on dit à un correcteur que celui qui a fait le même travail dans le passé l’a fait en tant d’heures, le nouveau se sentira obligé de réussir dans le même nombre d’heures rémunérées, quitte à corriger les dernières copies bénévolement.» Cette situation créerait un cercle vicieux, provoquant une réduction constante de la taille des contrats de correction session après session. C’est pourquoi le SETUE insiste auprès de ses membres pour qu’ils demandent des prolongations de contrat ou qu’ils arrêtent simplement de travailler lorsqu’ils ne terminent pas leur tâche dans le temps alloué.
Une omerta avec laquelle Marie-Ève* est très familière. L’an passé, après avoir réalisé quelques contrats comme auxiliaire d’enseignement à l’École de langues, elle apprend grâce à un professeur que d’autres étudiants ayant effectué les mêmes tâches qu’elle ont été rémunérés pour une dizaine d’heures de plus. «Apparemment, ils avaient signé un contrat de plus que moi, sans que j’en aie entendu parler», indique-t-elle. Indignée, elle se rend à l’École de langues pour obtenir compensation. «On m’a répondu que puisque j’avais travaillé les heures sans avoir signé le contrat, on ne pouvait rien faire.» À ce jour, l’étudiante à la maîtrise effectue toujours des démarches pour recevoir son dû.
Caroline Jacquet admet amèrement que le SETUE n’a que peu de pouvoir pour convaincre les étudiants de dénoncer les abus dont ils sont victimes. «Les gens ne s’identifient pas au SETUE», déplore-t-elle. Le syndicat aura donc pour résolution en 2011 de gagner la confiance de ses membres pour leur assurer de meilleures conditions de travail et éviter que l’hémorragie d’heures rémunérées ne se poursuive. Au-delà des portefeuilles dégarnis des étudiants employés, Caroline Jacquet croit que la situation touche l’ensemble de la communauté uqamienne. Corrections bâclées, enseignants qui voient décupler leur charge de travail et baisse des cotisations syndicales qui menace d’affamer le SETUE: la représentante du Syndicat assure que tous ont à perdre si l’Université ne rectifie pas le tir.
*Nom fictif

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