Motus et bouche cousue

L’UQAM n’encouragera pas les dénonciateurs en cas de pratiques douteuses entre ses murs. La direction a annoncé,  le 17 septembre dernier, qu’elle préférait faire confiance à ses services actuels, comme l’Ombudsman, le Syndicat des employées et employés de l’UQAM (SEUQAM) et le Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement, plutôt que d’investir temps et argent dans la mise en place d’un mécanisme formel de dénonciation. 

Les systèmes de dénonciation, ou whistleblowing, se multiplient au Canada comme aux Etats-Unis afin d’inciter les témoins de faits douteux à sortir de l’ombre sans risque de représailles. «Au cœur d’une structure comme celle de l’UQAM, plusieurs portes peuvent s’ouvrir quand il s’agit de signaler des délits», affirme Mireil Binette, Ombudsman de l’Université. Toutefois, celle qui gère les plaintes des étudiants et des employés de l’Université reconnaît qu’il n’est pas simple de témoigner de pratiques douteuses. Le responsable à l’information du SEUQAM, Michel Bolduc, partage son point de vue. «Ça prend une bonne dose de courage.»
Les services offerts à la communauté uqamienne sous-entendent le respect de la confidentialité et de l’impartialité. Malgré tout, il est courant qu’un témoin d’actions non conformes soit mal à l’aise de se confier, surtout si cette dénonciation vise son patron immédiat. Si des accusations sont ensuite portées contre ledit supérieur, les relations entre l’employé et l’employeur peuvent se corser. Si la situation dégénère, le Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement peut aider les victimes d’abus de pouvoir. «L’absence d’un mécanisme formel justifie encore plus l’importance de référer les individus aux ressources appropriées», précise la directrice du Bureau d’intervention, Dominique Jarvis.
Le cas de l’îlot voyageur
Michel Bolduc croit que les whistleblowers auraient pu minimiser l’impact du fiasco de l’îlot voyageur, qui a largement entaché la réputation de l’Université. Débuté en 2005, ce projet immobilier, avec des dépassements de coûts importants, avait fragilisé la santé économique de l’UQAM. Le gouvernement a même été obligé d’intervenir pour l’aider à se sortir du gouffre. Selon Michel Bolduc, certaines personnes auraient «observé des choses» et il aurait fallu mettre en place un mécanisme précis ou, du moins, rappeler l’existence des recours en cas de pratiques non conformes. Selon lui, des gens auraient pu prévenir la débâcle.
Conscient que les situations problématiques existent, Michel Bolduc doute de l’efficacité des dispositifs déjà en place à l’UQAM. «En l’absence de mécanismes clairs, quelle assurance a-t-on que l’information va se rendre à bon port?» Mais le syndicat ne veut pas encourager une culture de la délation, nuance le responsable à l’information du SEUQAM.
La direction de l’UQAM affirme dans son communiqué qu’elle fait confiance aux ressources déjà existantes, comme le SEUQAM, l’Ombudsman ou le Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement. Une division spéciale pour les whistleblowers serait une perte d’argent, de temps et de personnel. À bon entendeur salut donc, sans procédure claire pour les dénonciations à l’UQAM, les whistleblowers doivent s’assurer de frapper à la bonne porte pour que leur témoignage ne brassent pas seulement de l’air.

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