En un jeudi frisquet de février, Hailey Kjaer, 26 ans, participe à la parade militaire marquant la fin de son premier cours dans l’armée. Comme celle de ses 40 confrères et consœurs, sa carrière militaire prend doucement son envol à l’École de leadership et de recrues des Forces canadiennes de St-Jean-sur-Richelieu.
Dès la fin de la parade du peloton anglophone, les airs graves des jeunes militaires ont laissé place aux sourires fiers et aux yeux pétillants.
« J’aime le Canada et servir mon pays est vraiment ce que je veux faire », affirme Hailey Kjaer, élève-officière et future pilote. Elle suit les traces de son père et de son grand-père, qui ont tous les deux été pilotes dans les Forces armées canadiennes (FAC). « Dans ma vie civile, j’ai juste senti que j’avais trop de potentiel pour ce que je faisais. Les valeurs des FAC s’alignent vraiment avec mes valeurs personnelles », explique-t-elle.
« Je ne peux pas m’imaginer retourner à la vie civile », avance Hailey.
Pour son coéquipier Selvakumar Arumugam, le désir de servir le pays est présent aussi. « Il y a trois ans, j’ai obtenu ma citoyenneté canadienne, et, le lendemain, je déposais ma candidature dans les Forces armées canadiennes », indique l’élève-officier en génie des systèmes de combat maritime.
« Je suis au Canada depuis presque 12 ans. J’ai commencé ma vie au pays, mes enfants sont nés ici, souligne Selvakumar. Je voulais donner à ma communauté et aux gens en retour, puis je crois que la meilleure façon de le faire est de servir le pays en étant dans l’armée. » L’héritage militaire de sa famille le motive aussi, ses grands-pères ayant servi dans l’armée indienne durant la Deuxième Guerre mondiale.

Une relève au rendez-vous
Les derniers chiffres font état de près de 13 500 militaires manquant(e)s dans les rangs de l’armée canadienne. Toutefois, l’objectif de 6496 recrues devrait être atteint pour l’année financière 2024-2025, après des années de pénurie de personnel. Le nombre de candidatures reçues est passé de 7890 en janvier dernier à 9001 en février, soit une augmentation de 13 % par rapport à la même période l’an dernier.
Il y a six mois, Mathieu Papillon a soumis sa candidature aux FAC. « [Les Forces armées] veulent que tu prennes plus de responsabilités, elles veulent te challenger et c’est quelque chose qui me parle beaucoup », explique-t-il.
Pour le jeune homme de 18 ans, c’est le visionnement de la série documentaire Les recrues à l’âge de 10 ans qui a éveillé un intérêt en lui pour les Forces armées. Diffusée en 2017, la série suit le quotidien de six recrues qui font leur qualification militaire de base et offre un aperçu de la vie de militaire.
Mathieu aspire à être officier d’artillerie, pilote ou ingénieur en aéronautique. En plus de sa quête personnelle d’aventure, le salaire, le fonds de pension et les avantages sociaux offerts par l’armée l’ont aussi charmé. « On dirait que j’ai vraiment trouvé ce que j’ai envie de faire », soutient Mathieu.

Nouvelles générations, nouvelles motivations
Le sergent Patrick Boulanger, recruteur senior au Centre de recrutement des Forces armées canadiennes du Québec, a vu l’évolution des générations de recrues depuis ses débuts en tant que recruteur en 2013.
« Avant la pandémie, on parlait aux jeunes de 16 à 25 ans de sécurité d’emploi, de fonds de pension, de prestations déterminées et des avantages d’un emploi sûr au gouvernement, ça les touchait peu », observe-t-il. « On dirait qu’avec toute l’incertitude économique [actuelle], ce discours-là leur parle beaucoup plus maintenant. »
Selon M. Boulanger, les Québécois(es) s’intéressent moins aux carrières militaires que le reste du Canada. Pour la force régulière, le Québec représente de 13,5 à 15 % des demandes d’emploi reçues au niveau national, alors que ses citoyen(ne)s comptent pour près du cinquième de la population canadienne. Toutefois, la province réussit à atteindre un taux de 22 % d’enrôlement, affirme le sergent-recruteur.
« On va peut-être avoir moins de demandes d’emploi, mais on va avoir des demandes d’emploi, peut-être plus de qualité. Il y en a donc beaucoup plus qui vont aboutir à la fin par une offre d’enrôlement », avance Patrick Boulanger.
Les techniques de recrutement chez les FAC ont fait peau neuve pour séduire les recrues : facilitation du processus de recrutement pour les résident(e)s permanent(e)s, changements dans les critères médicaux et bonification des congés parentaux et annuels.
Éric Sauvé, consultant en sécurité et défense et ancien officier des Forces armées canadiennes, croit qu’il faudrait aussi aller au-delà de la modernisation du processus de recrutement de l’armée. « [Les FAC] ne font pas appel à la fibre d’aventure et à la flamme des jeunes. Le recrutement dit #emploi. Ce qui est dit [aux jeunes], c’est qu’ils auront un emploi et un salaire », souligne-t-il.
« Il faut que les militaires soient présents dans les communautés. Il faut qu’ils s’affichent. Il faut qu’ils soient présents dans les écoles », ajoute M. Sauvé. Patrick Boulanger croit que les témoignages de militaires et de vétéran(e)s peuvent convaincre les jeunes de s’enrôler. « Il y a entre 25 et 35 % des gens qui joignent les Forces armées canadiennes qui ont été influencés par un militaire actif et retraité », avance-t-il.
Le sergent recruteur a créé un programme national qui offre des conférences aux militaires et aux vétéran(e)s afin de former de bons ambassadeurs et de bonnes ambassadrices pour le recrutement.
« Ça vaut la peine de mettre de l’effort sur ces gens-là pour qu’ils soient de bons ambassadeurs et qu’ils relaient la bonne information [aux potentielles recrues] », assure-t-il.
Le sergent recruteur voit le futur du recrutement d’un bon œil. « Je suis très optimiste par rapport au recrutement dans les prochaines années, probablement à cause du contexte économique plus difficile. »
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