Gênée d’être végée

Je suis gênée d’être végétarienne. Voilà, c’est dit. Il y a huit ans, au mois d’avril, je retirais complètement la viande de mon alimentation. Et je n’arrive toujours pas à en parler sans ressentir un certain malaise.

On est en 2017, et la Camille de 16 ans est en quatrième année du secondaire lorsqu’elle saute à pieds joints dans un nouveau mode de vie : plus aucune viande, du jour au lendemain. Je pourrais vous raconter longuement les raisons qui m’ont poussée à opérer ce changement, mais je ne suis toujours pas à l’aise de m’y aventurer.

Cela fait huit ans que je suis végétarienne et j’ai toujours ressenti un malaise à discuter de mes convictions vis-à-vis de l’éthique animale et de la protection de l’environnement. Pourtant, ce sont exactement les raisons pour lesquelles j’ai choisi d’éliminer la viande de mon assiette.

C’est fou, je me souviens encore de cette fille de mon école secondaire que je mettais sur un piédestal dans ma tête. Pourquoi? Parce qu’elle, elle parlait de son végétarisme aux autres sans aucune gêne. Elle m’impressionnait.

Encore à ce jour, je repense à cette camarade de classe qui partageait les mêmes valeurs que moi, mais qui en discutait ouvertement, peu importe l’avis des autres.

Ça m’avait marqué parce que j’étais à mes débuts en tant que végétarienne et j’étais encore très jeune, mais je n’aurais jamais osé déverser ma pensée sur les autres et leur faire valoir mes points comme elle le faisait.

Il s’avère que je ne suis toujours pas capable de le faire à 23 ans.

La vérité derrière tout cela, c’est que j’ai peur qu’on me trouve trop intense, trop revendicatrice, trop militante, trop tout. J’ai toujours l’impression que les autres vont se dire : « Voyons, pourquoi essaie-t-elle de nous convertir au végétarisme? »

Loin de moi l’idée de persuader mes proches que mes habitudes de vie sont meilleures que les leurs. Au contraire, je n’ai aucun problème à ce que mon entourage consomme de la viande.

Alexia Renard, doctorante en science politique à l’Université de Montréal, s’est notamment penchée sur les jeunes antispécistes et véganes au Québec dans le cadre de ses recherches. Elle m’explique que ma gêne ne sort pas de nulle part.

À son avis, mes valeurs et mes propos peuvent « confronter la dissonance cognitive des gens et [les faire réagir] de manière un peu défensive, même quand on n’a pas l’intention de changer leur manière de s’alimenter ».

« Ça reflète leur propre gêne à eux », ajoute Mme Renard. Quelle bonne nouvelle de savoir que, dans les faits, je ne suis pas la seule à être gênée lorsque je parle de mes habitudes alimentaires!

Il reste tout de même l’aspect militant du mouvement végane et antispéciste qui me rend mal à l’aise. Je m’explique : je suis végétarienne et c’est une fierté pour moi, ne vous détrompez pas, mais une partie de moi ressent un malaise face aux actions directes faites contre la consommation de produits animaux.

Très tôt, j’ai compris que les véganes étaient représenté(e)s de manière assez négative dans l’opinion publique. Vous comprendrez donc pourquoi j’ai toujours ressenti un certain mal-être quant aux groupes de militant(e)s, ne voulant vraiment pas y être associée.

« J’ai l’impression que cette réaction-là de ne pas vouloir être associée à ces gens-là vient encore du fait que les activistes et les militants sont perçus comme des agitateurs », avance Alexia Renard.

Elle ajoute d’ailleurs que « les omnivores ont [souvent] une mauvaise ou une fausse vision des mouvements véganes et pour les droits des animaux qui sont déjà uniformes, monolithiques, comme si tout le monde pensait la même chose, ce qui n’est pas vrai ».

Vous ne me verrez malheureusement jamais dans un rassemblement militant antispéciste, mais soyez assuré(e)s que je resterai végétarienne toute ma vie… en espérant être capable d’en parler un jour sans aucune gêne.

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