« Austérité caquiste » : des associations étudiantes et les partis d’opposition dénoncent la décision de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, de mettre fin au programme de bourses Perspective Québec plus tôt que prévu.
Le programme devait prendre fin à l’automne 2025, mais la ministre a annoncé, le 7 février dernier, que la session d’hiver en cours serait la dernière où de nouvelles bourses seraient octroyées. Les étudiant(e)s qui reçoivent actuellement la bourse en bénéficieront jusqu’à la fin de leur formation.
L’initiative visait à encourager les inscriptions aux programmes touchés par la pénurie de main-d’œuvre au Québec, sot ceux de génie, d’enseignement, de technologies de l’information, puis de santé et services sociaux.
Plus de 4000 des 35 000 uqamien(ne)s sont admissibles en ce moment à la bourse Perspective, selon le Bureau de l’aide financière de l’UQAM. La bourse Perspective prévoyait 1500$ par session au cégep et 2500$ à l’université.
Fin des bourses, fin de parcours
La fin prématurée des bourses Perspective plonge plusieurs étudiant(e)s au collégial dans l’incertitude. Ils et elles espéraient recevoir la bourse à leur arrivée à l’université à l’automne 2025, soit la dernière session d’admissibilité que prévoyait le programme.
C’est le cas de Constantin, qui était présent à une manifestation organisée par la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) et l’Union étudiante du Québec (UEQ) devant les bureaux montréalais de la ministre Déry le 14 février dernier.
« Sans les bourses, c’est sûr que c’est possible [pour moi] d’aller à l’université, mais il faut penser à mettre de l’argent dedans […] Certains de mes amis ne pourront pas aller à l’université, parce qu’ils ne peuvent pas payer les frais de scolarité », affirme Constantin. L’étudiant en intégration multimédia au Collège de Maisonneuve aspire à étudier en génie, un des programmes qui étaient admissibles à la bourse Perspective.
Pour d’autres, la fin de cette aide financière met un terme à leurs espoirs de poursuivre des études universitaires. « On ne peut pas aller à l’université l’année prochaine parce qu’on ne peut pas payer », déclare Naomi, étudiante en éducation à la petite enfance au cégep Édouard-Montpetit, qui est aussi allée manifester avec ses camarades de classe le 14 février.
« On est un peu le futur du Québec et j’ai l’impression que [le gouvernement] ne nous soutient pas. Tout le long, il ne nous soutient pas, nos stages ne sont pas rémunérés. C’est un abandon de plus », critique Émile, lui aussi étudiant en éducation à la petite enfance au cégep Édouard-Montpetit.
« Un contexte de précarité »
« C’est une aide considérable dont on ne peut pas se passer dans un contexte de précarité étudiante et d’insécurité alimentaire », explique le président de la FECQ, Antoine Dervieux.
« Ça n’a aucun sens que l’austérité caquiste se fasse sur le dos des étudiants »
-Le président de l’UEQ, Étienne Paré
Bien que la FECQ et l’UEQ dénoncent la fin du programme Perspective, elles se montrent critiques de l’initiative parce qu’elle ne concernait que certains domaines d’études. Les deux associations demandent plutôt la rémunération des stages au public et une réforme de l’aide financière aux études.
« Un manque de vision à long terme »
La fin du programme a été devancée « par souci de saine gestion des finances publiques » et en raison des « effets inégaux observés dans les divers programmes admissibles », selon un communiqué de presse de la ministre Pascale Déry datant du 7 février dernier.
Des chiffres compilés par Radio-Canada en mars 2024 montrent que le nombre d’inscriptions dans les programmes ciblés par Perspective continuait de diminuer malgré l’octroi des bourses.
Selon le professeur de sociologie à l’UQAM Pierre Doray, la décision du gouvernement de faire marche arrière illustre une « tendance à une certaine forme d’improvisation liée à des situations conjoncturelles très précises. On sent le besoin, on crée des choses. On sent qu’on a plus d’argent, on les abolit ».
Pour le porte-parole du Parti québécois en matière d’éducation et d’enseignement supérieur, Pascal Bérubé, le cas de Perspective est un « autre signe d’amateurisme et de manque de vision à long terme en matière d’aide financière aux étudiants ».
Le député de Québec solidaire Haroun Bouazzi, présent à la manifestation du 14 février, dénonce des « coupures à n’en plus finir ». Il suggère, dans l’immédiat, de remettre en place le programme Perspective de façon permanente et d’en augmenter le financement.
De son côté, la porte-parole du Parti libéral du Québec en matière d’enseignement supérieur, Michelle Setlakwe, est d’avis qu’il « faut absolument qu’on se penche sur la question de la précarité et qu’il faut absolument que l’argent [prévu par Perspective] revienne aux étudiants qui en ont clairement besoin ».La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, a décliné la demande d’entrevue du Montréal Campus.
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