« Amener nos communautés encore plus loin dans la gouvernance », c’est la mission de la Maison des Savoirs, la première université par et pour les Premiers Peuples, dévoilée le 13 février à Wendake. Les universités du Québec ont signé une entente avec le Conseil en Éducation des Premières Nations (CEPN) pour confirmer leur collaboration à ce « projet de société ».
Pour faciliter l’accès des étudiant(e)s autochtones aux études supérieures, le plan se divise en plusieurs stratégies : établir l’inventaire de tous les services actuels offerts par les universités, faciliter les démarches administratives et implanter des « racines », espaces de sécurisation culturelle, sur tous les campus des universités québécoises.
Le caractère « historique » de ce projet, qui demeure à l’étape de la réflexion, réside dans l’engagement de toutes les universités envers le CEPN. Le dépôt d’un plan d’affaires concret au ministère de l’Enseignement supérieur est prévu pour 2027.
S’adapter à la dispersion territoriale
Denis Gros-Louis, directeur général du CEPN, veut faciliter l’accès aux études en milieu urbain pour les étudiant(e)s qui grandissent en communauté éloignée. Par exemple, la création d’une forme de « registrariat centralisé » viserait à minimiser les démarches administratives pour les étudiant(e)s autochtones.
« Si vous débutez votre formation en Gaspésie, mais que vous la complétez à Montréal, vous allez rester à l’intérieur de la même université. Le diplôme va suivre la personne, et non la personne qui suit l’université »
Denis Gros-Louis
Livia Vitenti, conseillère à l’accueil et à l’intégration des étudiant(e)s autochtones de l’UQAM, félicite cette idée. « On voit que les étudiants ont beaucoup de difficultés avec la paperasse », dit-elle.
Le directeur des relations avec les Premiers Peuples à l’UQAM, Marco Bacon, insiste sur l’importance de repenser la reconnaissance des acquis et les exigences d’admissibilité pour les adapter aux réalités des personnes autochtones, qui sont plusieurs à poursuivre leurs études plus tard à l’âge adulte.
Le CEPN réfléchit aussi à développer plus de formules d’enseignement en virtuel pour les étudiant(e)s qui veulent rester dans leur communauté. « On ne cherche pas à délocaliser les communautés pour venir dans les grands centres », rappelle Denis Gros-Louis.
Nécessaire, une nouvelle université?
D’ici 2027, le CEPN va évaluer la pertinence d’un lieu physique pour la Maison des Savoirs, puis définir sa localisation hypothétique et le type de programmes que cet établissement pourrait offrir.
Les responsables des services aux étudiant(e)s autochtones de l’UQAM rencontré(e)s par le Montréal Campus se disent enthousiasmé(e)s par la Maison des Savoirs. Ils et elles s’interrogent toutefois sur le choix de l’emplacement d’une nouvelle université, sachant que plusieurs nations se situent à des kilomètres les unes des autres.
« Ça serait intéressant, oui, mais en même temps, est-ce que ça va profiter à tout le monde? Ou ça va plus profiter à une nation qu’aux autres? », questionne la conseillère Livia Vitenti.
Une demande croissante
Selon le CEPN, le taux de décrochage chez les membres des Premières Nations a diminué de 25 points de pourcentage entre 2011 et 2021. Une nouvelle vague d’étudiant(e)s autochtones serait maintenant prête à entreprendre des études universitaires.
Le projet de la Maison des Savoirs s’inscrit dans la suite logique de l’autodétermination des communautés autochtones en éducation. « On a développé notre propre programme de maternelle […], on a des écoles qui sont en ébullition au niveau primaire et secondaire et on a le collège Kiuna […] La prochaine étape, c’est le parcours universitaire », affirme fièrement Denis Gros-Louis.
Philippe Bélanger-Landry, étudiant à l’UQAM et membre de la nation crie, se dit soulagé par cette initiative et insiste sur l’importance de « décoloniser » l’éducation.
Un « partenariat historique »
Les recteurs et rectrices des universités du Québec affirment « jouer un rôle de soutien » dans l’élaboration du plan d’affaires de la Maison des Savoirs. « Nous savons que cette création est audacieuse, mais nous savons aussi qu’elle est essentielle », précise le recteur de l’Université du Québec à Trois-Rivières, Christian Blanchette.
Le ministère québécois de l’Enseignement supérieur a déjà donné son appui financier au CEPN. L’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador ainsi que huit des onze nations autochtones portent ce projet. « La porte va être ouverte à l’ensemble des étudiants des autres communautés, qu’ils soient Inuit, Cris, Naskapis », précise Denis Gros-Louis.
« [En ce moment], ce qu’on demande aux étudiants autochtones, ce n’est pas juste de s’adapter, mais de transformer la manière qu’ils vivent, la façon d’organiser leurs vies », affirme l’étudiant cri Philippe Bélanger-Landry.
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