VedettesQuand les idoles s’éteignent

Les réseaux sociaux amplifient l’effet de proximité entre les communautés d’admirateurs et d’admiratrices et leurs idoles. Ainsi, lorsqu’une célébrité décède, de nombreuses personnes vivent un deuil dit « parasocial ». 

Sara Scarpato, étudiante au Collège de Bois-de-Boulogne, à Montréal, a vécu un deuil parasocial. Autrement dit, elle a été grandement affectée par le décès de l’ancien membre de One Direction Liam Payne, même si elle ne le connaissait pas personnellement. 

« J’ai commencé à aimer One Direction quand j’avais huit ans. Le groupe a été ma fenêtre d’ouverture sur le monde de la musique », affirme-t-elle. Pour l’étudiante, la mort, à l’âge de 31 ans, de l’ex-membre du groupe britannique, le 16 octobre dernier, a été un choc. Sara croyait recevoir la nouvelle du décès de Liam Payne beaucoup plus tard dans sa vie. 

L’étudiante raconte avoir été dans le déni au début, car elle n’était pas préparée à cette annonce. « Je me disais que ça ne se pouvait pas, que ce n’était pas possible », raconte Sara avec émotion.

Ce n’est qu’après avoir vu les hommages publiés sur les réseaux sociaux qu’elle a pris conscience de la mort de son idole de jeunesse. « Ça m’a beaucoup affectée, j’ai réécouté les chansons [du groupe britannique], je me suis replongée dans ma phase intense, comme quand j’étais plus jeune », explique l’étudiante. 

Une connexion intime 

Le doctorant en sémiologie et spécialiste en culture populaire Jean-Michel Berthiaume croit que les personnes en deuil parasocial sont « attristées par la fin de la vie de quelqu’un, mais, surtout, par la fin d’une voix qui leur parlait plus que n’importe qui d’autre ». 

Pour Benito Moke, étudiant à l’UQAM en administration, c’est le décès de Kobe Bryant qui l’a frappé de plein fouet. L’ancien joueur américain de basketball, qui a perdu la vie dans un accident d’hélicoptère en janvier 2020, était un véritable modèle pour Benito. « C’est grâce à lui que j’ai eu envie de faire du basket », affirme l’étudiant. Benito se dit triste, car il ne pourra plus bénéficier des « conseils » que Kobe Bryant publiait sur ses réseaux sociaux. 

« Il y a un deuil, quand il y a la disparition de personnes qui ont contribué à nous forger, même sans nous connaître personnellement », affirme l’anthropologue et professeure émérite au Département de communication sociale et publique de l’UQAM, Luce Des Aulniers. 

« Il y a un deuil, quand il y a la disparition de personnes qui ont contribué à nous forger, même sans nous connaître personnellement »

Luce Des Aulniers, professeure émérite au Département de communication sociale et publique de l’UQAM

Jean-Michel Berthiaume considère que les réseaux sociaux amplifient le sentiment de proximité entre les communautés d’admirateurs et d’admiratrices et les célébrités. 

« Quand la vedette est en train de parler à ses 23,7 millions d’abonnés, tu as l’impression qu’elle te parle directement », soutient M. Berthiaume. 

Un deuil collectif

La mort de Liam Payne, c’est aussi, pour Sara, la mort d’un rêve. Elle avait espoir de voir le groupe britannique se réunir, après sa séparation en 2016. « C’est le deuil d’un cinquième de mon enfance », dit-elle, la voix tremblante.  

Selon Mme Des Aulniers, certaines personnes ont l’impression d’avoir plus de peine pour la mort de leur idole que pour la mort d’un(e) proche. Étant donné qu’il s’agit du décès d’une célébrité, la perte est collective, le deuil est donc amplifié par l’effet de groupe. C’est ce qui rend les relations parasociales si intenses. 

Lorsqu’une personnalité publique décède, les gens se sentent « paralysés », selon Mme Des Aulniers. Ils regardent pendant des jours la télévision et les médias sociaux, pour voir ce qui est dit sur la défunte vedette. « Il y a comme un effet fiévreux », mentionne-t-elle. 

L’anthropologue considère que « la mort vient fouetter le goût de la vie ». Cependant, puisque le deuil parasocial se vit en groupe, « on se sent moins seul dans son coin », soutient-elle.

« C’est agréable de voir tout le monde en ligne partager son expérience. Ça fait en sorte que je ne me sens pas ridicule de me sentir [triste] », confie Sara. 

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