Le Montréal Campus au FNCAnora : sincère et comique

Les rires résonnaient dans la salle de cinéma tout au long de la projection d’Anora, récompensé d’une Palme d’or en 2024. Le film à la fois drôle et amer était présenté en avant-première au Festival du Nouveau Cinéma (FNC).

Réalisé par Sean Baker, Anora est une comédie dramatique qui suit une jeune travailleuse du sexe, interprétée par Mikey Madison, à Brooklyn, l’arondissement de New York. Elle fait la rencontre inattendue d’Ivan, interprété par Mark Eydelshteyn, un (très) jeune oligarque russe immature, avec qui elle passe une semaine mémorable. 

Le récit prend un tournant inattendu lorsque Ivan lui propose impulsivement de l’épouser.

Cependant, le conte de fées se transforme rapidement en cauchemar, lorsque les parents d’Ivan alertés de la situation préparent leur arrivée en sol américain et envoient des hommes pour annuler le mariage.

L’humain dans toutes ses couleurs

Le ton du film est donné lors de la scène d’ouverture, dans laquelle des danseuses presque nues livrent un spectacle décomplexé à la caméra. À travers des scènes brèves, qui alternent entre des interactions avec les clients et des moments en coulisses, Anora humanise les travailleuses du sexe, les présentant comme des personnes ordinaires exerçant un métier singulier.

Cette humanisation est au cœur du film : les personnages prévalent à leur métier, ils n’y sont pas réduits. Ainsi, il est difficile de prendre au sérieux Igor (Youri Borissov), Garnick (Vachagan Tovmasyan) et Toros (Karren Karagulian), les employés envoyés pour capturer Ivan, dont les répliques désinvoltes et le comportement chaotique détonnent avec leur travail.

Sean Baker: un as de l’authenticité

Sean Baker est reconnu pour ses films empreints d’empathie, mettant en lumière des personnages marginalisés. Ce n’est pas la première fois qu’il s’intéresse aux travailleuses du sexe. Le réalisateur a déjà exploré ce thème dans Tangerine, où il relatait le parcours d’une prostituée transgenre.

Le rythme effréné des péripéties sur lequel se base Anora laisse cependant peu de place à l’exploration des réalités sociales qui englobent le milieu dans lequel se situe l’action. Le monde des travailleuses du sexe et la vie communautaire de la population russophone new-yorkaise n’apparaissent en effet que dans des scènes fugaces. Ces dernières sont parsemées au long du film, sans jamais que l’histoire ne s’y concentre assez longtemps pour offrir de réelles découvertes à leur sujet.

Les personnages d’Anora sont néanmoins authentiques. Les acteurs et actrices ont été choisis avant même que le scénario ne soit écrit, ce qui a sans doute influencé leur interprétation et l’élaboration de leurs personnages. Mikey Madison brille dans le rôle d’Anora, une jeune peste à la langue bien pendue, mais qui reste touchante et pourvue de tendresse. 

Les dialogues sont eux aussi extrêmement naturels et les éléments humoristiques suivent le flot du récit et sont cohérents avec la personnalité des personnages, sans ressembler à des blagues préparées de toutes pièces. 

L’humour joue beaucoup sur le mur linguistique qui sépare Anora et les Russes. Ces derniers, particulièrement Ivan et Igor, bafouillent à peine quelques mots d’anglais, ce qui mène à plus d’une reprise à des créations langagières farfelues. «Tu devrais peut-être apprendre l’anglais avant de t’essayer au français », lance Anora à Igor alors que ce dernier s’obstine à prononcer «toosh» le mot « touché » .

Un récit accessible

Le film oscille entre le sérieux et le loufoque en un clin d’œil, avec une tonalité humoristique plus marquée, interrompue par des moments de retour à la réalité pour Anora.  Dans la deuxième moitié du film, la jeune femme voit ses rêves d’une vie meilleure s’effondrer, se retrouvant ultimement humiliée et perdue. 

Il est d’ailleurs surprenant qu’une professionnelle avec autant d’expérience se soit laissée séduire par les promesses d’Ivan, présenté comme un enfant gâté, alors qu’on pourrait penser qu’elle serait plus méfiante face à ses illusions et qu’elle réaliserait plus tôt qu’elle n’était qu’un simple jouet dans sa collection. 

Anora est un film facile à regarder qui rejoint aisément l’auditoire, mais qui malgré ses nombreuses qualités, ne plonge pas assez profondément dans le sujet du travail du sexe ou dans les réalités de la communauté russophone à New York pour être qualifié de film social.

Anora est disponible en salles au Canada depuis le 25 octobre.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *