Les professeur(e)s de l’UQAM font front au projet de loi 44

Les professeur(e)s de l’UQAM affichent leur mécontentement quant à un projet de loi remaniant le milieu de la recherche universitaire déposé « en catimini et dans la précipitation », à leur avis.

C’est dans une lettre ouverte du Syndicat des professeurs et professeures de l’UQAM (SPUQ) signée par 2172 professeur(e)s, dont plus de 800 de l’UQAM, que le milieu universitaire du Québec montre son opposition au projet de loi 44. Déposé à l’Assemblée nationale le 7 février dernier, le projet de loi prévoit un transfert de la responsabilité du domaine de la recherche des mains du ministère de l’Enseignement supérieur à celles du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie. 

Le fait de modifier cette loi s’avère problématique pour plusieurs acteurs du milieu de l’enseignement supérieur.

« Ça arrive un peu comme une surprise. Ça n’avait pas fait l’objet de discussions dans les milieux de recherche universitaires ou collégiaux », affirme Geneviève Hervieux, présidente du SPUQ.

« On était catastrophés en prenant connaissance du projet en profondeur », déclare-t-elle. Le syndicat a ainsi rédigé une lettre ouverte à l’intention du gouvernement et du grand public. Il a recueilli l’appui de 2000 signataires en moins d’une semaine.

Une question de fonds

Si le projet de loi est adopté tel que présenté, il entraînerait la fusion des Fonds de recherche du Québec (FRQ), qui sont à l’heure actuelle séparés en trois domaines : Nature et technologies, Santé et Société et culture.

Cette concentration des fonds en une seule et même entité comporte de nombreux risques, selon Madeleine Pastinelli, présidente de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU). Elle craint entre autres la mise en place de programmes de financement visant des thématiques considérées comme « prioritaires » par le gouvernement.

La prise en charge du FRQ par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie pourrait engendrer « plus de financement pour les recherches qui promettent des retombées économiques ou des innovations que pour celles qui ne le peuvent pas », avance Mme Pastinelli.

« Le but est d’amener la recherche au service de l’économie. C’est simple comme bonjour », lance quant à lui Yves Gingras, professeur au Département d’histoire à l’UQAM et membre du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie. À son avis, il est nécessaire que le projet de loi, s’il est adopté, garantisse une répartition équitable des fonds entre les différents secteurs de recherche en instaurant trois budgets différents.

Réorganisation administrative

Selon ce qui est mentionné dans le projet de loi, le conseil d’administration du FRQ serait présidé par le scientifique en chef du Québec et composé de 15 à 19 membres nommés par le gouvernement. D’après le SPUQ et la FQPPU, l’indépendance du milieu de la recherche et l’autonomie des universités pourraient en être grandement affectées.

M. Gingras croit que cela permettrait au gouvernement de nommer « n’importe quel ami » pour diriger les fonds. Il s’inquiète également du manque flagrant de scientifiques actifs prévus pour siéger au conseil d’administration. Seul le tiers des membres pourrait être composé de chercheuses ou de chercheurs dont les projets sont financés par le FRQ. Le reste devra être composé, par exemple, de scientifiques retraité(e)s ou financé(e)s par le Fonds de soutien à la recherche fédéral.

La priorité du scientifique en chef

En entrevue avec le Montréal Campus, le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, souhaite rassurer la communauté universitaire. Selon lui, la recherche libre est encore la priorité du gouvernement, mais « il faudra s’assurer que les gens autour de la table lors des consultations en rappellent l’importance et s’assurent que c’est inscrit dans les stratégies québécoises de recherche et d’innovation », qui sont actualisées tous les cinq ans.

M. Quirion justifie par ailleurs la fusion des trois fonds de recherche du Québec en un seul en laissant comprendre qu’il s’agit de faciliter les échanges avec le gouvernement.

« Ce serait simplifié parce qu’on n’aurait pas trois vérificateurs généraux et trois rapports annuels distincts à produire. »

Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec

Il rappelle que cela fait maintenant plus de 10 ans que la recherche est liée au ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, mais de manière non officielle. Selon la loi actuelle, elle est associée à l’Enseignement supérieur, mais des décrets ont été adoptés au fil des ans pour changer cela de façon temporaire.

Selon M. Quirion, le fait que le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie ait été chargé du milieu de la recherche dans les dernières années n’a pas spécialement encouragé la recherche ayant des intérêts économiques. Officialiser le tout ne viendrait donc pas changer la situation, à son avis.

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