Médias numériques : dix ans d’évolution, peu de débouchés

Les perspectives d’emplois du baccalauréat en médias numériques, qui fêtait ses 10 ans le 1er mai, sont loin d’être claires pour plusieurs de ses étudiant(e)s qui ne savent pas ce qu’ils et elles pourront faire après leurs études.

Louis Sylvain a rejoint le baccalauréat en médias numériques à l’automne 2022. Il ne savait pas vraiment en quoi étudier, mais il a été interpellé par la description du programme en médias numériques, qui se voulait un programme « dans l’ère du temps ». En plus, la bourse Perspective Québec était un bon incitatif. Cette bourse consiste en une compensation financière de 2500 $ par session universitaire recevable dans certains programmes priorisés par le gouvernement québécois, comme le baccalauréat en médias numériques.

Malgré cette somme, Louis anticipe son entrée en troisième et dernière année du baccalauréat à l’automne, alors qu’il se sent perdu quant à son avenir – comme plusieurs de ses camarades.

En constante évolution

Pour le responsable du programme, André Mondoux, le baccalauréat se veut une école de réflexion sur les questions médiatiques. D’après lui, c’est un questionnement sociétal essentiel à avoir, ce qui explique l’offre de la bourse Perspective Québec à ses étudiant(e)s. « On veut former des marines, des couteaux suisses du monde numérique, afin que ces personnes soient parfaitement outillées pour entrer dans les systèmes de la société », précise-t-il. 

Enchaînant les réformes, le programme a beaucoup changé depuis sa fondation. À travers ces modifications, son angle d’étude est devenu un peu plus clair ces dernières années, offrant désormais des spécialisations dans trois domaines : médias numériques, jeux vidéo et intelligence artificielle. Cette année, la spécialisation en intelligence artificielle n’a pas pu être offerte en raison d’un manque d’inscription.

Un programme aux débouchés incertains

Lorsqu’il décrit son programme, M. Mondoux vante la théorie et l’environnement de réflexion qui est offert à ses étudiant(e)s. Toutefois, ils et elles sont nombreux et nombreuses à penser que le baccalauréat en médias numériques n’offre pas de débouchés clairs et à se sentir perdu(e)s à la sortie de leur parcours universitaire. 

C’est le cas du diplômé Julien Michaud. En entrant en médias numériques, il pensait qu’un mélange de recherche et de mise en pratique de la théorie serait offert. « Au fil des sessions, on réalise qu’on revoit toujours la même théorie et on s’en lasse », se souvient-il. Travaillant désormais comme agent de communication au Groupe de recommandations et d’actions pour un meilleur environnement, il ne s’est aucunement senti prêt à entrer dans le monde du travail après avoir complété ses études.

Louis Sylvain ressent des craintes semblables. « En sortant du baccalauréat, je ne vois pas du tout les opportunités qui s’offrent à moi. C’est stressant. »

Il déplore le manque de stages obligatoires dans le programme, qui permettrait aux étudiant(e)s de mieux savoir où s’orienter après leurs études. 

À ce sujet, M. Mondoux affirme qu’offrir un programme de stages obligatoires dans le baccalauréat n’a jamais été dans les plans. « Au départ, on nous a dit qu’il manquait de ressources et puis ça n’a jamais été dans l’idée du programme de faire travailler nos étudiants gratuitement », explique André Mondoux.

La maîtrise essentielle

« Le programme est utile pour réfléchir aux différentes questions entourant les médias, et il le fait très bien, mais c’est surtout fait pour te pousser à la maîtrise », exprime Julien Michaud.

« Ce sont environ 80 % des étudiants de ma cohorte qui ne sont pas allés à la maîtrise, alors de tout miser dans cette optique-là, c’est inutile. »

Julien Michaud

L’étudiant à la maîtrise en jeux vidéo et ludification Simon Fraser est passé par le baccalauréat en médias numériques et est du même avis. « Au baccalauréat, on n’a pas de cours qui est fait pour être pratique, ce qui est décevant, mais à la maîtrise, ça te permet d’appliquer la théorie qu’on t’a répétée pendant trois ans afin d’approfondir tes recherches », affirme-t-il. Il ajoute tout de même que la maîtrise est un bon moyen d’arriver prêt sur le marché du travail, puisqu’elle permet de mettre un pied dans le milieu et de développer de bons contacts. 

Questionné par le Montréal Campus à savoir si le baccalauréat a été mis en place afin de mener ses finissant(e)s vers les études supérieures, M. Mondoux ne s’en cache pas : « On repère les candidats qui paraissent les plus intéressés et on leur offre un cours à la maîtrise pendant leur baccalauréat qui compte pour les deux, comme un tremplin afin de leur donner le goût. »

M. Mondoux croit aussi que l’adaptation du baccalauréat au milieu du travail passe par plus de collaboration entre les différents programmes de communication. « Je rêve que les programmes de médias numériques, de journalisme et d’informatique travaillent main dans la main, car on peut tous bénéficier des autres et on doit se questionner sur les problématiques numériques à cette ère de crise », affirme-t-il en prévision des dix prochaines années.

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