La lo-fi, entre productivité et rêverie 

Pour ses adeptes, la musique lo-fi est synonyme de bien-être et de concentration accrue. La chaîne YouTube Lofi Girl, qui accompagne des milliers de personnes dans leurs journées de travail et d’étude, est le visage de ce phénomène récent dont la popularité ne cesse de croître.

La musique lo-fi se distingue par ses sons planants et méditatifs ponctués de crépitements de vinyles, et à l’occasion, agrémentés d’une légère pluie ambiante. Dans le milieu musical, le terme lo-fi est une abréviation de « low fidelity » (basse fidélité). En d’autres mots, il désigne une musique avec une qualité sonore réduite.

Oren Gurevitch, étudiant à la maîtrise au Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son (BRAMS), souligne que ce genre de musique s’éloigne des normes conventionnelles recherchées par les musicien(ne)s. Ils et elles tentent plutôt d’atteindre la « high-fi » , qui, à l’opposé de la lo-fi, se traduit par une qualité sonore élevée. « C’est étrange qu’on puisse écouter ce genre de musique et l’apprécier », croit Oren Gurevitch.

Le phénomène Lofi Girl

Ayant gagné de la popularité durant la pandémie, la musique lo-fi est présente sur les plateformes d’écoute de musique en ligne telles que Spotify et Apple Music. C’est cependant sur YouTube que le genre musical est le plus populaire. 

Sur ce réseau social, la chaîne Lofi Girl diffuse en direct sa «lofi hip hop radio – beats to relax/study to » avec l’animation d’une adolescente faisant paisiblement ses devoirs, qui est devenue une icône de ce genre musical.

Ce sont en moyenne près de 40 000 utilisateurs qui étudient ou travaillent simultanément à ses côtés, en écoutant cette vidéo diffusée en direct 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. 

Sous la vidéo, des commentaires affluent dans un continuum incessant. Entre un « Lolll » et un « bro it’s morning where I live », l’auditoire est libre d’exprimer ses soucis quotidiens. Quelques commentaires résonnent par leur vulnérabilité et bienveillance :

@Komal I don’t know what to do, how to even start. I just want to sit back and weep.
[Je ne sais pas quoi faire, par où commencer. J’ai simplement envie de m’arrêter et pleurer.]

— @MARIE Le 21 mars 2024

@Marie First of all take care of yourself. You are precious
[Premièrement, prends soin de toi-même. Tu es précieuse]

— @Komal Le 21 mars 2024

Un outil fidèle

Directrice artistique dans des agences de communication depuis plus de 20 ans, Samia Ghariani fait un usage quotidien de la chaîne Lofi Girl lorsqu’elle travaille. Il y a six ans, son fils l’a introduit à la musique lo-fi et ce fut un coup de foudre. Depuis, elle a intégré la chaîne Lofi Girl à sa routine créative et c’est devenu un outil essentiel pour elle. « Ça a changé ma vie, avoue-t-elle, les yeux pétillants. C’est comme si ça me guidait sur le chemin à suivre. »

« J’ai l’impression que ça comble un vide sonore sans pour autant me déconcentrer », confie Mirka Saint-Jean, une étudiante au baccalauréat en communication, politique et société. Pour elle, la musique lo-fi représente un soutien auditif qui pallie la sensation d’ennui qu’elle éprouve lors de la rédaction de travaux scolaires.

La constance de ce genre musical l’aide à structurer ses pensées. « Je suis moins encline à chercher d’autres distractions, comme mon cellulaire », précise-t-elle.

« C’est précisément ce dont notre cerveau a besoin afin de se concentrer sur ce qu’on fait », avance Oren Gurevitch. Il explique que ce genre de musique crée une couche isolante imaginaire entre les distractions du monde extérieur et l’auditoire. Le tempo lent limite l’excitation, mais ne provoque pas pour autant de fatigue. L’allure rêveuse permet de se sentir à l’aise.

À chacun(e) sa chanson

La neuropsychologue et experte en cognition musicale Nathalie Gosselin explique qu’il « n’y a pas de réponse définitive » quant à la façon dont la musique influence la concentration. Selon elle, les résultats des études demeurent hétérogènes à ce jour, laissant entrevoir une variété de possibilités.

C’est notamment le cas car les résultats dépendent beaucoup des circonstances. Par exemple, certains individus constatent que la musique a des effets positifs sur leur niveau de concentration et pour d’autres, c’est tout le contraire. Le type de musique pourrait également jouer un rôle significatif et l’absence de parole permettrait de se concentrer sur une tâche.

La perception propre à chaque personne complexifie également les conclusions. La neuropsychologue remarque une dissonance entre la performance réelle et celle perçue par les individus. « Subjectivement, l’individu peut avoir l’impression que la musique améliore sa performance, sans pour autant que ce soit le cas », note Mme Gosselin. 

Enfin, elle précise que ce sentiment de concentration pourrait simplement être le reflet d’une expérience plus agréable lors de l’exécution de la tâche due à la présence de musique. Cela ne signifie pas pour autant que la performance augmente de façon notable.

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