Malgré sa faible participation électorale, la jeunesse québécoise est de plus en plus engagée politiquement.
Étudiante de 19 ans au Cégep de l’Outaouais, Stéphanie Roux voit une corrélation directe entre son engagement et son amour pour le Québec. « J’aime le Québec, j’aime être au courant de toute l’actualité en lien avec d’où je viens et en lien avec mon identité québécoise », déclare-t-elle fièrement.
Saad Assabar, étudiant à l’Université Laval ayant participé à plusieurs éditions du Parlement étudiant du Québec, perçoit l’engagement politique comme un geste d’affirmation démocratique. « Si c’est quelque chose à laquelle on ne s’intéresse pas, on autorise d’autres personnes à prendre des décisions à notre place », déclare l’étudiant au baccalauréat en génie logiciel.
Les causes politiques qui touchent les jeunes sont variées. Arno Ménard, vendeur de 20 ans, et Saad Assabar se préoccupent de la hausse du coût de la vie et de la qualité de l’éducation. Rafaëlle Létourneau, étudiante en communication, politique et société à l’UQAM, et Stéphanie Roux aimeraient quant à elles voir plus de gestes concrets pour l’environnement, sempiternel cheval de bataille de leur génération.
Jugées conservatrices par les jeunes rencontré(e)s par le Montréal Campus, les positions du gouvernement Legault sur la plupart de ces enjeux ne leur inspirent guère espoir. Saad Assabar estime que certains sujets polarisants comme l’immigration reçoivent une attention négative exagérée des politicien(ne)s québécois(es). Cette attention créerait un sentiment péjoratif envers les nouveaux et nouvelles arrivant(e)s.
Difficile à motiver
L’engagement politique des 15-35 ans est à la hausse par rapport à 2013, d’après une étude de l’Institut de la statistique du Québec, réalisée en 2020. Dans cette tranche d’âge, les 15-24 ans sont plus engagé(e)s politiquement que les 25-35 ans. Cet engagement s’exprime notamment par leur participation à des manifestations et par la signature de pétitions.
Ces informations ne surprennent pas Stéphanie Gaudet, professeure et directrice du Centre interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités à l’Université d’Ottawa. Elle avance que la grande majorité des jeunes se préoccupent de la politique, même s’ils et elles n’en sont pas conscient(e)s. « Quand ils s’intéressent aux enjeux environnementaux, au racisme, aux inégalités sociales, de logement social : c’est de la politique. Mais ils s’intéressent moins à la politique électorale », explique la spécialiste en participation sociale et politique.
Ce désintérêt est visible dans les données d’Élections Québec, qui révèlent que lors des élections provinciales de 2018, le taux de participation des 18-34 ans était de 53 %, comparativement à 69 % pour les personnes de 35 ans et plus. Le taux de participation pour l’ensemble de la population était quant à lui de 66 %.
Stéphanie Gaudet spécifie que la jeunesse québécoise demeure malgré tout une tranche démographique avec une capacité à se mobiliser pour les causes lui tenant à cœur, comme l’a démontré la marche pour le climat du 27 septembre 2019 à Montréal. Avec près de 500 000 manifestant(e)s présent(e)s, en bonne partie des jeunes, cette marche est la plus importante de l’histoire du Québec. Même si les statistiques semblent soulever un désintérêt électoral chez la nouvelle génération, Arno Ménard martèle l’importance d’exercer son droit de vote. « Ça vaut la peine de voter. On n’en a peut-être pas l’impression, mais un vote, ça fait la différence si tout le monde le fait. »
Relation compliquée
Selon Stéphanie Gaudet, un sentiment de désillusion a envahi une partie de la nouvelle génération. La professeure affirme que les jeunes sont assez critiques envers la classe politique en raison de ses multiples scandales, des compressions budgétaires gouvernementales, de l’influence des lobbys et des promesses brisées.
« Il n’y a rien de pire que de faire des promesses et de ne pas les tenir pour des jeunes, parce qu’ils vont se dire que ça ne sert à rien de voter et ils vont s’en rappeler », avance la professeure.
L’absence de renouveau au sein des partis politiques décourage également la jeunesse québécoise à s’impliquer dans la politique active, selon ceux et celles rencontré(e)s par le Montréal Campus.
Réconciliation possible?
D’après le président de la communauté jeunesse du Parti Laval, Tommy Vallée, la réconciliation entre la jeunesse et la classe politique n’est pas facile, mais nécessaire. « Il est souvent dit qu’il faudrait que les jeunes s’intéressent à la politique pour que la politique s’intéresse à eux, mais la réalité, c’est qu’il faudrait briser ce cycle », croit le diplômé de l’UQAM en communication.
« La politique est devenue quelque chose d’élitiste. »
Rafaëlle Létourneau, étudiante en politique
Pour les jeunes interviewé(e)s, un rapprochement doit absolument passer par l’éducation. Par exemple, Arno Ménard propose que l’enseignement des enjeux de société et de la politique québécoise soit plus approfondi dès le secondaire.
Selon lui, des enseignant(e)s formé(e)s adéquatement, ajoutant une touche de subjectivité dans leur pédagogie, permettraient aux élèves de mieux comprendre les partis et leurs idées. « C’est facile d’avoir le syndrome de l’imposteur, de sentir que tu ne connais pas la politique et de t’empêcher de t’y intéresser davantage », croit Rafaëlle Létourneau.
Mme Gaudet prévient que la problématique de polarisation sur les réseaux sociaux est à surveiller et souligne que des espaces de discussions sains sont nécessaires. « Il faut apprendre qu’on a besoin de réfléchir ensemble et qu’on peut être en désaccord, mais que ça ne veut pas dire qu’on est des ennemis. »
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