Être musclé(e) à tout prix : le combat de la bigorexie

L’entraînement physique promet santé et bien-être, mais pour certains adeptes du « gym », le besoin excessif d’accroître sa masse musculaire vient avec ses contrecoups : l’isolement, la prise de stéroïdes et le surentraînement. Ils sont atteints de bigorexie, un trouble de santé mentale méconnu qui ne cesse de prendre de la masse chez les jeunes hommes québécois.

« Sans le gym je ne serais rien », déclare sans hésitation Mathias Quiroz. Pour l’athlète de 23 ans, l’aventure de la musculation a débuté il y a cinq ans. Non diagnostiqué, il admet tout de même que la définition de la bigorexie le « décrit beaucoup ».

Selon Karine Pendleton, intervenante chez Anorexie et boulimie Québec (ANEB), le trouble est avant tout une distorsion de l’image corporelle. Elle mentionne que la bigorexie est aussi appelée dysmorphie musculaire ou anorexie inversée. La personne touchée se voit plus petite ou plus maigre qu’elle ne l’est réellement. En plus de mener à une pratique sportive qui tend plus vers l’obligation que le plaisir personnel, la bigorexie crée un besoin de s’imposer une diète stricte.

« De façon générale, [la bigorexie] va davantage toucher les jeunes hommes entre la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte », dit Nathalie St-Amour, directrice de la clinique St-Amour, spécialisée dans les troubles de l’alimentation.

Obsédé(e)s par le besoin de s’entraîner, les personnes touchées par la bigorexie sont plus à risque de s’absenter de l’école et du travail ou encore de s’isoler de leur cercle social. De plus, une part importante des gens qui en souffrent vont prendre des stéroïdes ou d’autres produits anabolisants dans l’espoir d’atteindre le « corps rêvé », explique Karine Pendleton.

Un enjeu actuel

Au Québec, les professionnel(le)s de la santé étudient et traitent cette condition depuis environ 10 ans. Ils pointent du doigt les réseaux sociaux parmi les causes de cette dépendance à la prise de masse. Les communautés de musculation qui s’y forment ont tendance à « normaliser, banaliser, voire valoriser » les comportements problématiques, selon Mme St-Amour.

L’organisme ANEB a noté une hausse marquée des cas de bigorexie au cours des dernières années. « Depuis la pandémie, presque tous les troubles alimentaires ont énormément augmenté », rappelle Karine Pendleton. 

Parler à un mur

Le documentaire Adonis, paru en février, traite de la montée en popularité de la musculation et des dangers de la pratique.

On y voit des jeunes hommes, dont Mathias Quiroz, qui ont fait de l’entraînement leur quotidien. Pour la plupart, leur routine presque militaire n’est pas un problème.

Selon le réalisateur du documentaire, Jérémie Battaglia, les gens qui souffrent de bigorexie ont « du mal à le voir négativement, parce qu’il y a un travail, mais surtout un résultat ». La salle de sport est un exutoire pour ces jeunes, « un centre de thérapie », d’après Mathias Quiroz.

Cette mentalité rend les relations d’aide complexes pour les personnes qui souffrent de bigorexie, souligne Nathalie St-Amour. Elle ajoute que le trouble est « encore méconnu » dans les milieux sportifs et médicaux, ce qui rend la prévention difficile, notamment auprès des athlètes.

De plus, « il y a encore beaucoup [de personnes] qui ont l’impression que c’est faible d’aller chercher de l’aide, surtout chez les garçons », observe Karine Pendleton.

Guérir

Pour le réalisateur d’Adonis, la normalisation de la prise de substances anabolisantes est alarmante. Ayant noté l’apparition de poubelles pour les seringues dans le centre d’entraînement qu’il fréquente, il déplore le manque d’encadrement aux niveaux fédéral et provincial.

« L’immense majorité des gens qui utilisent des stéroïdes ne feront jamais de compétition. Ils le font uniquement dans le but de bien paraître. »

– Jérémie Battaglia

Dre St-Amour rapporte d’ailleurs que « les gens qui ont des traits de perfectionnisme vont être une clientèle plus à risque ». Elle suggère pour les personnes touchées une approche bienveillante et indulgente envers soi-même et son corps.

La spécialiste des troubles de l’alimentation insiste également sur l’importance de l’entourage. Selon elle, ce sont habituellement les proches  qui vont remarquer que le comportement de l’individu a changé bien avant un(e) professionnel(le) de la santé. Par exemple, il ou elle passe ses journées à s’entraîner et consacre moins de temps à d’autres activités.

De son côté, Karine Pendleton réitère l’importance de « briser cette mentalité selon laquelle aller chercher de l’aide, c’est être faible, car c’est le contraire ».

Si vous avez besoin de soutien ou si vous vous inquiétez pour un(e) proche, de l’aide est disponible :

Anorexie et Boulimie Québec
Ligne d’écoute et de références
1 800 630 0907

Les CIUSSS et de nombreuses cliniques disposent également de ressources pour aider les individus touchés par des troubles alimentaires, dont la bigorexie.

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