Au royaume du spandex et du suplex

« Aweille, rembarque dans le ring mon esti de chicken», peut-on entre autres entendre la foule crier lors des galas de lutte ICW. Rebondissements, prouesses physiques et ambiance électrisante animent chaque mois la Maison de la culture Maisonneuve. Plongée dans le monde coloré et enivrant de la lutte.

Steve Sauvé est directeur de l’information chez VIVA média de jour et lutteur de soir. À travers près de 30 ans de carrière en lutte indépendante, il a su bâtir un personnage connu et apprécié sur la scène québécoise : l’Adorable Steve Ace. Le 9 février dernier, il affrontait un collègue de longue date, Pascal Venditti, alias Mobster 357.

Quelques moments avant le début de l’évènement, Steve Sauvé révèle en entrevue avec le Montréal Campus que son souhait lors de ce combat est que « un, je ne me blesse pas, deux, je ne blesse pas Pascal et trois, que Pascal ne se blesse pas ». Ce à quoi Pascal Venditti a répliqué : « Non non, c’est sûr que Pascal ne se blesse pas parce que Pascal ne lutte pas. C’est le Mobster 357 qui se bat. »

Cette ambiance de camaraderie est omniprésente dans le vestiaire, où les lutteurs se taquinent sans toutefois perdre une once de respect. « Niaiser avec les gars, c’est ça la lutte dans le fond », exprime Francis Lemieux (alias Frank O’Neil).

Mobster 357 à gauche et Steve Ace à droite.

Accrocher le costume pour de bon

À dix mois de sa retraite, c’est l’entièreté de l’aspect « backstage » de la lutte dont Steve Sauvé va s’ennuyer le plus. « Se réveiller le dimanche matin après un match le samedi et avoir mal partout, ça ne me manquera pas », indique ce dernier en riant.

Francis Lemieux ajoute à ce sujet que malgré la douleur physique qui pourrait donner envie d’arrêter, il recommence toujours la semaine d’après par passion.

Steve Sauvé prévoit prendre sa retraite de la lutte en décembre 2024 et Pascal Venditti en décembre 2025. Tous deux se posent la même question : « On va-tu vraiment être capable d’arrêter? »

Pour Steve Sauvé, c’est surtout abandonner le personnage de Steve Ace qui s’avérera difficile. Son persona a été développé pour s’opposer au stéréotype des lutteurs qui souhaitent « impressionner leurs blondes ». Steve Ace est flamboyant et « très gay », selon l’artiste. « À mon entrée, j’amène toujours un gars du public sur le stage pour lui faire un strip-tease », raconte ce dernier. Pourquoi? « Parce qu’il n’y a personne qui va faire ça. Et ça prend du guts. »

Steve Ace n’a pas failli à sa réputation en effectuant une danse lascive lors de son entrée.

Lier vie et lutte

Faire de la lutte demande pour certain(e)s un investissement de soi important. « Ma réalité, c’est que le vendredi soir, je laisse ma femme et ma fille chez nous et je m’en vais faire de la lutte », explique Steve Sauvé. L’énorme majorité des lutteurs et lutteuses ne vivent pas de cette passion, les obligeant à mêler emploi et sport. « Je n’arrive pas à décrocher, même quand je travaille. Il faut que je fasse des promos pour des fédérations une à deux fois par semaine », dit Francis Lemieux. Ce dernier indique tout de même que ce n’est pas tout le monde qui s’implique autant hors des matchs.

C’est notamment le cas de Steve Sauvé, qui se consacre à la lutte uniquement du moment où il entre dans le vestiaire jusqu’à la fin du combat. « Tu rentres chez moi et tu ne pourrais pas savoir que je fais de la lutte. […] J’ai un gros manteau de poil que je sors juste quand j’ai un match. Après, je le range dans ma garde-robe », raconte-t-il. 

C’est tout le contraire pour Pascal Venditti. « Le Mobster 357 m’habite constamment. Je suis tout le temps en train de niaiser, sauf lorsque je suis au travail. »

Questionnés sur la place de l’entraînement dans leurs quotidiens, les deux lutteurs affirment ne pas s’entraîner pour préserver leur santé physique. « Tu étais mieux de ne pas dire que tu t’entraînes mon esti! », a d’ailleurs répliqué à la blague Pascal Venditti à son collègue.

C’est notamment pour cette raison que Pascal Venditti a changé son style de lutte au fil des années. « Je ne suis plus ce que j’étais. Je me suis mis à compenser les affaires hardcore que je faisais pour plus de conneries, de comédie. »

« Si tu me demandes si la lutte c’est un spectacle, je vais te dire que oui c’est un spectacle. Si tu me demandes qui gagne, je vais te dire : “Achète un billet, viens t’asseoir, regarde la magie et laisse-toi divertir” »

– Steve Sauvé

La lutte d’un quartier

Ce changement de style n’a pas eu l’air de déranger la foule qui était endiablée lors de la confrontation entre Steve Ace et Mobster 357. Une foule de tous âges était au rendez-vous : les 200 places de la salle se sont écoulées en à peine huit minutes lors de la prévente des billets.

Le maire de l’arrondissement Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Pierre Lessard-Blais, était présent lors de la soirée et en a profité pour annoncer que le contrat entre l’organisation de lutte ICW et la maison de la culture Maisonneuve sera renouvelé jusqu’au printemps 2025. Pour lui, il est important de promouvoir la lutte à la maison de la culture Maisonneuve, car c’est essentiel d’y présenter « de l’art plus élitiste comme le jazz ou la musique classique, mais aussi de l’art populaire ». « La lutte représente extrêmement bien le quartier qu’est Hochelaga-Maisonneuve », ajoute-t-il.

Les trois lutteurs sont d’accord sur une chose : le public est au cœur de tout spectacle de lutte. « C’est un show, on fait ça pour divertir », lance Pascal Venditti.

Ce n’est plus un secret, les combats de lutte sont orchestrés d’avance. Il s’agit donc pour les lutteurs et lutteuses de travailler en équipe afin de produire le meilleur spectacle possible. Steve Sauvé spécifie ainsi qu’un combat de lutte a plus de chances d’être bon si les deux adversaires se connaissent. « On se connait et on peut plus facilement communiquer dans le ring et décider du déroulement 10 minutes avant de sortir du rideau. »

Afin de prouver cette complicité, les deux lutteurs ont construit le début de leur match directement pendant l’entrevue, en précisant que seules les grandes lignes du combat avaient été décidées préalablement. Un « scénario léger » qu’il faut respecter en tant que lutteur ou lutteuse, même s’il peut ne pas plaire.

Selon Steve Sauvé, les meilleurs combats de lutte sont ceux où les lutteurs et lutteuses ont carte blanche. « Ça nous permet d’écouter le public pour donner le meilleur spectacle possible. Si on sent que le public veut que je gagne, alors on va faire gagner l’autre, pour [que le public] revienne », raconte-t-il.

Un peu d’histoire

La lutte et le Québec partagent une longue histoire, explique Steve Sauvé. Celle-ci vient originellement des fêtes foraines où « l’homme le plus fort du village réussissait à battre l’homme le plus fort du village voisin et tout le monde se faisait du bel argent ». Puis, la lutte a évolué avec entres autres l’ajout d’acrobaties pour « devenir l’art que l’on voit aujourd’hui », précise-t-il.

Mentions photos : Léo Mercier-Ross, Noémie Laplante, Chloé Rondeau et Élizabeth Martineau

Commentaires

Une réponse à “Au royaume du spandex et du suplex”

  1. Avatar de Sebastien

    Très bon article présentant de manière positive cette activité jadis très populaire qui gagne à être connue!!!!

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