Assez de représentation queer au grand écran?

Des membres de la communauté LGBTQ+ et des spécialistes de la représentation au cinéma considèrent qu’il y a un besoin que les histoires d’amour queer soient mieux représentées au grand écran. 

Les récents films romantiques populaires comme Simple Comme Sylvain, Anyone But You ou encore Crazy Rich Asians continuent de mettre de l’avant des couples hétérosexuels. Catherine Lemieux-Lefebvre, enseignante au cégep de l’Outaouais en cinéma et spécialiste de la représentation, rappelle que le public va au cinéma pour se reconnaître dans ce que vivent les personnages.

Pour Samuel Piron, étudiant en scénarisation à l’UQAM et amateur de films romantiques, ce genre cinématographique s’avère être une voie de découverte de soi lorsque des personnages qui lui ressemblent sont mis à l’écran. Selon lui, c’est une façon pour les jeunes d’être exposés à de nouvelles réalités, ce qui développe leur curiosité et les incite à la discussion.

« J’ai commencé à en regarder et je me suis dit qu’il y avait une partie de la vie que je ne connaissais pas et plein de possibilités, comme aimer les garçons », affirme-t-il. Les représentations queer au grand écran ont mené à un questionnement puis à une acceptation de soi chez Samuel.

Selon une étude américaine, publiée en 2023 par l’université USC Annenberg, seulement 2 % des 4169 personnages à travers les 100 plus gros succès de l’année 2022 étaient des membres de la communauté LGBTQ+. Parmi ces personnages, 40% ont un rôle jugé « sans conséquence à l’histoire ».

Pour leurs amateurs et amatrices, ces films représentent une façon de s’immerger dans une relation romantique remplie de nuances. Ils permettent de s’identifier aux personnages et de partager les émotions complexes que l’on voit à l’écran. Certes, les films d’amour ont leurs lots de clichés, mais certaines œuvres demeurent encore aujourd’hui adulées des critiques et du public, grâce à des succès comme Pour l’amour d’Hollywood et Une étoile est née.  

Catherine Lemieux-Lefebvre soulève également que le manque de représentation crée un sentiment d’illégitimité et d’invisibilité chez les personnes queer. Selon elle, ne pas voir sa réalité à l’écran peut créer le sentiment que son histoire ne mérite pas d’être racontée.

Elle prétend que ce manque de représentation à l’écran est dû au manque de diversité dans les équipes de réalisation, de scénarisation et de production. Mme Lemieux-Lefebvre insiste ainsi sur l’importance d’impliquer les communautés marginalisées dans le pouvoir décisionnel qui vient avec les films à grand budget, afin d’obtenir un produit final représentatif. 

Marta Boni, professeure aux départements d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal, constate quant à elle que les œuvres représentant les réalités LGBTQ+ sont reçues par un public divisé. Elle indique que d’un côté, on retrouve un public à la fois ouvert d’esprit mais sceptique de certaines représentations performatives et que de l’autre, un public de la « frange conservatrice d’extrême droite de plus en plus visible et réactive ».  

« D’une manière ou d’une autre, il y a toujours une insatisfaction et une très grande tension centrée sur la question de la représentation », ajoute-t-elle.

Déception sur la qualité et quête d’authenticité

Samuel Piron défend également l’importance d’avoir une représentation de qualité qui s’éloigne de la diversité de façade. « J’aime beaucoup les personnages qui ont une vraie psychologie, une vraie histoire. Pas juste un personnage qui est gai parce qu’il est gai et qu’il fallait en mettre un dans le film », confie-t-il.

De son côté, Heidi Pilon, jeune étudiante queer et grande admiratrice du film Matthias & Maxime de Xavier Dolan, considère que l’état actuel de la représentation queer au cinéma laisse fortement à désirer. « On a plein de films qui ne sont pas super représentatifs, qui ne sont pas super bons. On préférerait quantité par-dessus qualité, mais là il n’y a aucun des deux », lance-t-elle. 

Elle constate que les rares films adulés par le grand public se voient souvent accorder une énorme importance. Le film Call Me By Your Name en est un exemple. Heidi Pilon aimerait voir plus de films être mis sur le même piédestal, afin de mieux représenter la communauté LGBTQ+ dans toutes ses complexités auprès du grand public. 

Chose certaine, Heidi et Samuel désirent voir plus de personnages qui mettent réellement en lumière toutes les réalités de la communauté, dans le but d’avoir une représentation plus inclusive et authentique. 

Par exemple, l’étudiante aimerait beaucoup voir la réalité des familles homoparentales, un aspect rarement exploré dans les films queers. Sans pour autant rabaisser le classique récit du passage à l’âge l’adulte, abondamment utilisé dans les films romantiques, les deux croient qu’il est temps que l’on raconte d’autres histoires queers.

Mention photo : Chloé Rondeau

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *