« On tourne en rond et on se nuit [les un(e)s et les autres] », déplore Sabrina Pinet, étudiante au baccalauréat en droit à l’UQAM. Novices et habitué(e)s des assemblées de l’Association facultaire étudiante de science politique et droit (AFESPED) se sont réuni(e)s le 5 décembre dernier pour voter contre une grève en soutien au Front commun.
« C’était impensable de devoir reporter mes examens pour une grève. Je voulais juste finir ma session », partage Sabrina Pinet, qui considère que les grèves sont à la base des tensions entre les membres de l’Association des étudiantes et étudiants en droit de l’UQAM (AED) et de l’AFESPED. L’AED ne concerne que les étudiants et les étudiantes en droit au premier cycle, tandis que l’AFESPED rassemble les membres de tous les programmes de la Faculté de science politique et de droit.
« La majorité [des étudiants et étudiantes en droit] ne voulait de toute évidence pas la grève, parce que c’était pendant leurs examens et plusieurs voulaient retourner dans leur pays [pour les fêtes] », constate Gaby Atkinson-Marcoux, étudiant au baccalauréat en science politique à l’UQAM. Il déplore la durée de l’assemblée générale (AG) du 5 décembre, qui s’est étendue sur cinq heures. Selon lui, il y avait déjà eu assez de levées de cours pendant la session.
« Je soutiens totalement la cause [du Front commun], mais je pense qu’il y a d’autres façons de [démontrer son] soutien », suggère Matthieu Bessone, étudiant au baccalauréat en relations internationales et droit international, qui était aussi présent lors de l’AG. Rappelons que le Front commun, qui regroupe plus de 420 000 travailleurs et travailleuses du secteur public, est en processus de négociations de contrats pour ses membres et a utilisé la grève en guise de moyen de pression à trois reprises cette année.
Des grèves qui ne font pas l’unanimité
Sabrina Pinet se détache des actions solidaires posées par l’AFESPED. « Je n’ai pas les mêmes convictions politiques [que les étudiants en science politique] ou l’appel à vouloir participer à des mouvements [de mobilisation] », admet-elle. C’est en « finissant [son] parcours et en devenant avocate le plus tôt possible » qu’elle pourra faire une différence au sein de la société, ajoute-t-elle.
« Ce n’est pas qu’on n’encourage pas les causes, c’est juste que faire la grève, ça apporte quoi ? », se questionne Camille Crépeau, étudiante au baccalauréat en droit à l’UQAM. Elle ne va plus aux AG de l’AFESPED depuis l’année dernière, car il s’agit selon elle d’une « perte de temps ».
Plusieurs universitaires sont du même avis que Camille Crépeau. « C’était simplement un petit groupe qui essayait de diriger [l’AG du 5 décembre]. Ils ont essayé de faire taire les seules personnes qui voulaient participer », estime Gaby Atkinson-Marcoux.
« C’est négatif comme environnement » – Gaby Atkinson-Marcoux, étudiant au baccalauréat en science politique à l’UQAM
« C’est dérangeant de devoir se faire imposer des grèves », lance Camille Crépeau. Selon elle, les étudiants et les étudiantes en droit sont généralement contre ce type de mobilisation puisqu’il a un impact direct sur leur parcours scolaire.
Elle explique que même la matière qui n’a pas été vue en classe en raison des levées de cours peut se retrouver à l’examen du Barreau, d’où l’importance de pouvoir assister à chacun de ses cours. Selon elle, les étudiants et les étudiantes en droit tentent toujours de faire exclure certains de leurs cours pour qu’ils aient lieu même si la faculté est en grève, ce qui est rarement appuyé par les autres membres de l’AFESPED.
Un climat tendu
Le vandalisme du local de l’AED le 30 novembre dernier par des groupes militants contre « la culture du char » n’a pas amélioré les relations entre les étudiants et les étudiantes de droit et de science politique. Rémi Grenier précise toutefois que l’AFESPED se dissocie des actions posées par ces personnes et un courriel a également été envoyé aux membres de l’association dans lequel le comité rappelle que ce genre de comportement n’est pas toléré par le comité exécutif.
« Peu importe de quel programme tu es, tu peux avoir un avis qui est complètement divergent [lors des assemblées générales de grève] », assure Rémi Grenier, responsable aux communications et à l’information de l’AFESPED, au sujet des AG.
Les membres de l’association interviewé(e)s par le Montréal Campus témoignent toutefois que l’ambiance des AG ne reflète pas cette ouverture d’esprit et que les tensions sont palpables entre le programme de droit et celui de science politique.
À l’AG du 5 décembre dernier, un étudiant de droit aurait eu des propos considérés comme « transphobes » par plusieurs. Un étudiant de science politique aurait ensuite partagé son malaise face aux réactions des étudiants et étudiantes de droit qui ne voulaient pas exclure la personne de l’AG. Il aurait ajouté qu’il se sentait « mal que les juristes de demain ne soient pas capables de protéger les minorités », rapporte Étienne Le Fur, étudiant au baccalauréat en science politique à l’UQAM, qui était présent à l’AG.
Durant l’AG, des remarques désobligeantes ont également circulé à propos du programme de science politique. Selon Gaby Atkinson-Marcoux, des expressions comme « sciences vacances » auraient été lancées durant l’AG pour faire référence au programme.
Une représentativité équitable ?
Un sondage soumis cet automne aux membres de l’AED questionne les étudiants et les étudiantes de droit pour savoir s’ils et elles se sentent représenté(e)s par l’AFESPED. Plus d’une centaine d’entre eux se sont prononcé(e)s et « 87 % ne font pas ou que partiellement confiance à l’AFESPED », selon Olivier Bianki, président de l’AED.
Le Montréal Campus a appris que certains membres de l’AED voudraient se séparer de leur association facultaire. À l’AFESPED, Rémi Grenier considère qu’il s’agit d’une « mauvaise idée » et que le processus prend « beaucoup d’énergie ». Selon lui, cette dissociation représenterait une perte importante pour les étudiants et étudiantes de droit qui ne bénéficieraient plus de l’accompagnement offert par l’association facultaire.
« Ce que je trouve dommage, c’est que l’AFESPED n’arrive pas à unifier tous ses [membres] », juge Étienne Le Fur.
Mention photo : Élizabeth Martineau
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