Des étudiant(e)s intimidé(e)s pour leurs opinions politiques

Coups de hache, violence verbale et bannissement de lieux publics : des étudiants et des étudiantes de l’UQAM se disent exclu(e)s de l’espace public uqamien en raison de leur idéologie politique.

Entre 2019 et 2022, lors de son baccalauréat en science politique à l’UQAM, Marie-Audrey Bernier, qui s’identifie de centre gauche, était membre de l’Association Étudiante du module de science politique de l’UQAM (AEMSP). Elle a subi et a été témoin de plusieurs formes de violence physique et verbale de la part d’un petit groupe d’extrême gauche.

« Ils sont rentrés avec une hache à l’école, ils ont défoncé la porte [du local de l’AEMSP] avec la hache, puis ils l’ont vandalisée au complet », témoigne-t-elle. « Une fois, j’étais seule dans le local de l’AEMSP et deux personnes ont commencé à me crier après, tellement [fort] qu’il y a des étudiants dans les corridors qui sont rentrés pour voir si j’étais en sécurité », ajoute Mme Bernier.

Au total, six plaintes ont été déposées à la direction par Marie-Audrey Bernier et d’autres étudiants et étudiantes victimes de harcèlement par le même groupe, en raison de leurs opinions politiques qui différaient des leurs.

Selon elle, la réponse de l’UQAM s’est révélée décevante. « Les personnes qui posent ces gestes mettent de la peinture sur les caméras de surveillance, il n’est alors pas possible de les identifier, malheureusement », lui a répondu la direction de l’université lorsqu’elle a porté plainte.

Accusé d’être « fasciste »

Philippe Lorange, étudiant au baccalauréat en sociologie, s’est fait sommer de quitter une fête d’Halloween organisée par l’Association étudiante des études avancées en sociologie de l’UQAM (AEEAS) en 2021. Quatre membres de l’association lui ont justifié leur action en l’accusant d’être un « fasciste », raconte-t-il. Des témoins ont aussi approuvé les propos des quatre autres membres et ont à leur tour demandé à Philippe Lorange de partir sous prétexte « qu’il n’avait pas d’affaires là ».

Philippe Lorange a fait plusieurs apparitions à QUB radio en collaborant, entre autres, avec le chroniqueur et animateur Richard Martineau. M. Lorange a également écrit dans Le Journal de Montréal. Dans ses chroniques, il partage ouvertement ses opinions sur différents sujets de société tels que l’identité de genre et le racisme systémique. Par exemple, une capsule radio intitulée Philippe Lorange ne croit pas au racisme systémique a été publiée en juillet dernier sur le site de QUB radio.

La différence gauche-droite

La gauche se caractérise par un État interventionniste sur le plan fiscal qui défend des valeurs sociales progressistes. Son intérêt est porté sur l’égalité des chances.

La droite est quant à elle caractérisée par le conservatisme, soit la défense des valeurs traditionnelles telles que la famille et la nation. Elle défend les libertés individuelles et prône l’économie de marché. 

Fondée dans un moment charnière de la Révolution tranquille, la communauté étudiante de l’UQAM est quant à elle reconnue pour son soutien aux mouvements progressistes, et ce, depuis la fondation de l’université.

Philippe Lorange considère que ses convictions politiques tendent vers la droite. Il précise toutefois que « c’est un terme qui peut être très trompeur ». Par exemple, il ne s’associe pas aux valeurs de l’extrême droite américaine qui comprend des groupes extrémistes comme les Proud Boys et les Oath Keepers. Ces organisations prônent le port d’armes, la suprématie blanche et la résistance au gouvernement.

« Je penche plus du côté d’un héritage à défendre, quelque chose de permanent qui doit perdurer, puis je vois très bien que ce n’est pas du tout [une opinion qui est] la bienvenue à l’UQAM », remarque-t-il. M. Lorange ajoute qu’une « bonne proportion d’étudiants, malheureusement, est très fermée d’esprit, très fermée à la discussion ».

Selon lui, même ceux et celles qui se considèrent de centre gauche sont associé(e)s à l’extrême droite par une bonne partie des étudiants et des étudiantes de l’UQAM. « Donc quelqu’un qui est ouvertement de droite, ça, c’est complètement inacceptable », estime Philippe Lorange.

Une minorité bruyante

Marie-Audrey Bernier a eu une expérience étudiante similaire à celle de Philippe Lorange. Selon elle, les militants et les militantes gauchistes se croient tout permis lorsque leurs actions sont faites dans l’optique de leur définition du bien commun. « Tout le monde craignait ces gens-là », déclare-t-elle.

Elle les décrit comme étant une minorité de personnes de gauche qui est bruyante et qui impose ses idées aux autres membres de la communauté uqamienne. Dans les cours auxquels l’étudiante assiste, c’est surtout cette minorité qui prend la parole, qui confronte l’enseignant ou l’enseignante ainsi que les autres élèves.

Pour ce qui est des gens de droite, ils et elles expriment leurs opinions politiques à huis clos, par crainte de provoquer un nouveau conflit. À son arrivée à l’université, Marie-Audrey Bernier se considérait comme étant de centre gauche. « On est jamais assez de gauche pour les extrémistes », argue-t-elle.

Les tensions ont empiré lorsqu’elle est devenue membre de l’AEMSP en amenant de nouvelles idées politiques nuancées entre la gauche et la droite. C’est à ce moment que les messages haineux sur les réseaux ont débuté.

Philippe Lorange et Marie-Audrey Bernier se sont tous les deux également fait bannir du Café Aquin. La raison que les employé(e)s ont donnée aux deux étudiants a été la même. « Ils n’étaient pas à l’aise de [nous] voir ici », rapporte Philippe Lorange. Ce café, autogéré par des étudiants et des étudiantes de sciences humaines de l’UQAM, est réputé pour son militantisme. « Un espace militant autogéré, écologiste et libertaire aux valeurs féministes anti-oppressives » est la description inscrite sur leurs pages Facebook et Instagram.

Finalement, destituée par les autres membres de l’AEMSP, Marie-Audrey Bernier a terminé son baccalauréat, déçue de ne pas avoir eu la chance de participer à de vrais débats politiques ouverts. « C’est dommage, dans un programme comme en science politique où le but c’est d’échanger, de grandir, de réfléchir », déplore-t-elle.

 

*Dans la version papier de cet article, il était sous-entendu que Marie-Audrey Bernier était de droite, alors qu’elle se considère de centre gauche. Toutes nos excuses.

 

Mention photo : Élizabeth Martineau

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