J’aime Kanye West. Devrais-je plutôt dire que j’aime la musique de Kanye West et non l’homme en tant que tel ? Probablement. Mais, somme toute, j’aime Kanye West.
Avant que vous grimpiez dans les rideaux, je tiens à rectifier le tir. Il est primordial dans le monde culturel de dissocier l’artiste de son art. En 2018, Ye (anciennement Kanye West) était au coeur de débats pour ses propos polémiques au sujet de l’esclavage. « On entend parler de l’esclavage qui a duré 400 ans. Pendant 400 ans ? Ça ressemble à un choix », avait-il dit.
J’étais évidemment en désaccord avec l’artiste. Ça n’a toutefois pas mis un frein à mon amour inconditionnel pour ses albums ye et KIDS SEE GHOSTS, qui sont parus en juin de la même année.
Micheline Labelle, professeure émérite au Département de sociologie de l’UQAM, explique que la culture de l’annulation est un mouvement social progressiste qui vient des États-Unis. « On parle souvent de mouvements innovés par des personnes qui font l’objet de discriminations et qui ont des revendications », indique-t-elle.
Pour ceux et celles qui endossent cette culture de l’annulation, il est insensé, même immoral, de continuer à soutenir des artistes ayant des propos ou des actions racistes, sexistes, transphobes ou homophobes…
La solution ? Boycotter pour une période indéfinie l’artiste ou le groupe.
En culture, ce concept de l’annulation est souvent vu de manière différente à cause de son côté arbitraire. D’annuler un artiste qui est très populaire ou dont on apprécie le travail est plus subjectif que dans les autres domaines de la société, surtout lorsque l’artiste en question vient de sortir le succès de l’été.
Taylor Swift, une artiste pop qui est actuellement idolâtrée à travers le globe, a dû faire face à la culture du bannissement après s’être fait traiter de « snake » par le public après un appel téléphonique controversé avec Ye en 2016. Rapidement, le tir a été corrigé, et la chanteuse a été déclarée innocente par le tribunal populaire. Taylor Swift a tout de même eu à vivre avec de la haine qui, à tous les égards, semble injustifiée.
Micheline Labelle avance que le mouvement de la culture de l’annulation est dorénavant dans une phase contre-productive. « On est à l’étape anti-progressiste, même si c’est encore sous la couverture du progrès social ». Elle renchérit : « Ça peut se baser sur des revendications légitimes, mais quand elles sont poussées à bout, elles deviennent perverties, comme c’est le cas actuellement. »
Une dénonciation, qui n’est pas dans le même ordre d’idée que l’annulation, est importante et même essentielle lorsque les artistes ont des agissements répréhensibles ou criminels.
C’est notamment le cas de R. Kelly, un artiste déchu du RnB, qui est actuellement en prison pour avoir commis de nombreux crimes sexuels à l’égard de personnes mineures. Les 4,6 millions de personnes qui l’écoutent mensuellement sur la plateforme Spotify prennent tout de même la décision, aussi égoïste qu’elle puisse sembler, d’écouter « I Believe I Can Fly » ou encore « Bump n’ Grind ». Les dénonciations ont été claires, R. Kelly reste tout de même un génie musical.
Qu’en est-il du roi de la pop qui a été ciblé dans le documentaire choc de Dan Reed nommé Leaving Neverland ? Le long métrage traite des allégations d’abus sexuels que Michael Jackson aurait commis envers des personnes mineures lors de sa carrière. En 2019, lorsque l’opinion publique semblait être fixée et que le cas de Jackson était fermé, ses chansons sont revenues peu à peu dans les radios, tel un phénix qui renaît de ses cendres.
Alors, que dire sur le cas de Michael Jackson ? Je crois les victimes, mais je vais continuer d’écouter « Thriller » le 31 octobre et « Billie Jean » dans mes partys de Noël.
Pour Kanye West, je reconnais que ses agissements et ses propos sont inacceptables, mais j’écoute tout de même religieusement son album My Beautiful Dark Twisted Fantasy. Sur ce, j’attends patiemment son concert à Montréal.
Annulez-moi si vous le désirez.
Mention illustration : Chloé Rondeau
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