« Merci d’être là », répètent les protagonistes en se donnant un câlin à la suite d’un atelier à leur maison d’hébergement où a été tourné le documentaire très touchant de la jeune réalisatrice Romane Garant Chartrand.
Après-coups est un court-métrage documentaire qui présente un espace d’échange entre 10 victimes de violence coercitive. Les femmes vocalisent les douleurs de leur passé qu’elles avaient tues pendant si longtemps. Dans un esprit de sororité, elles partagent leurs expériences et se valident les unes et les autres au fil des cercles de parole.
L’idée de Romane Garant Chartrand et de Laurie Pominville, productrice associée, s’est concrétisée grâce à l’initiative Repêchage de l’Office national du film du Canada (ONF) en 2021. Cette dernière offre l’opportunité à des finissants et à des finissantes de l’UQAM de créer un court métrage documentaire en ayant carte blanche pour le choix de la thématique.
Un sujet sensible
« C’est un privilège de faire des films et d’avoir un projet en sortant de l’école, je n’avais pas le choix de faire quelque chose [de significatif] », explique Romane Garant Chartrand. Elle ajoute que les thèmes qui l’intéressent « sont souvent par rapport à ce qui [la] tiraille, les incompréhensions et les injustices. Il y a quelque chose de motivant dans ces idées-là. »
L’année 2021 étant empreinte d’une hausse des féminicides et des suites du mouvement #MeToo, le sujet de la violence envers les femmes était au cœur des discussions entre la réalisatrice et la productrice associée.
Après-coups ne montre jamais le visage des victimes. « On ne verra pas vos visages, mais les gens qui vous connaissent vont vous reconnaître. On ne va pas robotiser vos voix, on va voir vos tatouages », a garanti Romane Garant Chartrand aux femmes lorsqu’une caméra a été introduite pour la première fois au sein des cercles de parole. Selon elle, c’était une manière d’imager l’invisibilité à laquelle ces femmes sont soumises tout en insistant sur leur volonté de prendre la parole.
« Il faut qu’on arrête d’anonymiser les victimes », Romane Garant Chartrand, réalisatrice du court-métrage Après-coups.
Un tournage éprouvant
Pour Romane Garant Chartrand, l’étape du tournage s’est avérée assez ardue sur le plan émotif. « Quand tu rencontres les femmes et qu’elles te regardent dans le blanc des yeux pour te raconter leur histoire, ce n’est vraiment pas la même chose [que pendant la recherche] », assure la réalisatrice, qui croyait être prête à affronter cette réalité.
« On est toujours habitées par ces témoignages-là », indique Laurie Pominville, productrice associée d’Après-coups. À son avis, le fait de vivre cette expérience en équipe a été un avantage puisque cela leur a permis de se partager leurs émotions et d’échanger sur les difficultés rencontrées.
Romane Garant Chartrand exprime que son désir en réalisant le film était « de ne pas parler de ce qui est trash, mais plutôt de s’éloigner du misérabilisme et du sensationnalisme ». L’élément clé a été de créer un lien de confiance avec les femmes, ce qui a permis de faire entrer une caméra dans la maison d’hébergement.
Repêchage à l’UQAM
La productrice Nathalie Cloutier, qui travaille à l’ONF, a eu la chance de chapeauter les différents documentaires depuis le lancement du programme. « C’était la première fois qu’on faisait un duo de réalisatrice et de productrice », souligne-t-elle. Mme Cloutier trouve important de partager son métier avec une jeune diplômée, puisque son rôle de productrice est, selon elle, un « métier de l’ombre. »
Les moyens financiers, les installations et le temps sont tous des éléments primordiaux qui ont été accordés aux deux jeunes professionnelles. Tout le processus de création s’est échelonné sur deux années complètes, laissant amplement de temps à la réalisatrice de faire toute sa recherche, autant en amont que sur le terrain.
Grâce au soutien de l’ONF, Romane Garant Chartrand a pu s’immerger dans quelques maisons d’hébergement afin de mieux comprendre ce qui s’y passe. « C’est quand même un an de fréquentation du lieu [de tournage]. C’est rare d’avoir les sous pour pouvoir faire cela, mais c’est très important », soulève Nathalie Cloutier.
Après-coups a été présenté en première le jeudi 23 novembre dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal.
Mention photo : Isabelle Stachtchenko
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