« Il pleuvait des cendres », se rappelle Danny Pien, vice-chef de Lac-Simon, une communauté de la Nation Anishnabe aux prises avec la fumée des feux de forêt survenus en Abitibi-Témiscamingue l’été dernier. La population évacuée revient maintenant chez elle et tente de se remettre de cet événement.
Touchée par les photos partagées par les citoyens et les citoyennes sur les réseaux sociaux pendant l’évacuation, Rose-Aimée Papatie, une résidente de Lac-Simon qui était à l’extérieur lors de l’événement, n’a pas pu s’empêcher de s’inquiéter pour ses proches. Quelques semaines après le lancement de l’alerte d’incendie à la population de Lac-Simon le 3 juin dernier, Mme Papatie est retournée dans sa municipalité. « [À mon retour], il y avait encore beaucoup de fumée, mais aussi des équipes sur place et des intervenants sociaux disponibles sur une ligne téléphonique », décrit-elle.
La réinsertion des habitants et des habitantes dans leur demeure s’est effectuée entre deux à cinq jours après le départ d’urgence selon l’état de santé et la fragilité de chaque personne. « Des gens allaient se promener après les feux et il y avait encore quelques petits coins qui brûlaient dans la forêt. On voyait des ours se diriger directement vers les flammes, [apeurés par] une voiture qui s’approchait. On s’inquiétait pour les animaux », raconte Danny Pien, vice-chef de Lac-Simon.
Les feux de forêt demeurent un sujet sensible pour la population de Lac-Simon et celle-ci reste sur ses gardes. « Après l’évacuation, il y avait des pompiers qui restaient ici. Quand l’alarme de feu sonnait, les jeunes enfants demandaient s’il fallait à nouveau quitter les lieux. Ils gardent ça dans leur mémoire », explique Danny Pien en mentionnant qu’un support émotionnel est offert aux citoyens et aux citoyennes de Lac-Simon.
Un soutien indispensable
La communauté Anishnabe n’est pas seule dans ce drame. Les Centres d’amitié autochtones offrent de l’aide aux habitants et habitantes de Lac-Simon. « Selon la situation, nous offrons du transport, de l’hébergement, de la nourriture, de l’habillement, des services de première ligne en santé et du soutien psychosocial », souligne Myrian Marotte, directrice des stratégies, communications et relations publiques au Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec (RCAAQ).
« Les intervenants des Centres d’amitié ont également offert du soutien à ceux qui habitent en zone urbaine et qui accueillent de la famille ou des amis provenant de communautés autochtones évacuées », indique Mme Marotte.
Rose-Aimée Papatie mentionne que la Croix-Rouge canadienne était sur les lieux afin d’apporter de l’aide d’urgence immédiate aux résidents et résidentes de Lac-Simon. Le Conseil de la Nation a tenu à rassurer sa population. « On a mentionné [à la communauté] que c’était rare que ça arrive. D’ailleurs, de mémoire, c’est l’une des premières évacuations que nous avons eues à Lac-Simon », spécifie Danny Pien.
Selon ce dernier, les conséquences matérielles sont minimes chez eux et elles, mais le calendrier de leurs pratiques culturelles a été remanié. Le vice-chef dit que « plusieurs cérémonies ont été remises à l’année prochaine et le pow-wow [événement traditionnel qui rassemble les familles de différentes nations autochtones] a été déplacé au mois d’août [plutôt qu’en juillet] ». Puisque la communauté vit de chasse et de cueillette, M. Pien ne sait pas encore quel impact les feux de forêt auront sur leur garde-manger.
Des séquelles encore inconnues
Nicole Redvers, professeure associée et directrice de la santé autochtone planétaire au sein de l’école de médecine et de dentisterie Schulich à la Western University en Ontario, s’intéresse aux répercussions des feux de forêt de l’été 2023 sur les communautés autochtones au Canada.
Selon elle, les familles ayant quitté leur ménage ont rencontré des difficultés financières dues à leur absence au travail et aux chèques de paie inexistants. Nicole Redvers met également l’accent sur « les impacts mentaux et émotionnels du stress de l’évacuation, mais aussi l’ignorance de l’état dans lequel les gens vont retrouver leurs terres ».
De plus, l’exposition à la fumée pourrait être un facteur de risque potentiellement important pour la santé, avance la professeure. « Nous n’avons pas suffisamment d’études sur les impacts à long terme de la fumée sur quiconque, encore moins sur les communautés autochtones », ajoute toutefois Mme Redvers. Elle explique qu’il faudra attendre un certain temps avant de bien comprendre les conséquences sanitaires des feux de cet été.
Le vice-chef de Lac-Simon annonce que la communauté est prête à agir si la situation se répète au cours des prochaines années. Selon M. Pien, des détecteurs servant à l’analyse de la qualité de l’air sont installés à trois emplacements différents et ils sont surveillés de près lorsque la température est plus élevée dans la région.
À ce sujet, Nicole Redvers considère que l’une des meilleures solutions est d’offrir un financement aux Premières Nations pour s’assurer qu’un endroit sécurisé est disponible dans chaque collectivité en cas de fumées importantes. Elle propose, par exemple, d’investir dans un centre communautaire, un aréna ou tout autre bâtiment bien isolé qui pourrait servir de refuge.
« Tant que nous n’aurons pas commencé à nous attaquer aux facteurs causant le changement climatique, cette question restera d’actualité », conclut-elle.
Mention photo : Pixabay
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