En septembre dernier, l’appellation de Mx Martine, une personne enseignante non binaire, a suscité le débat sur les réseaux sociaux. Mais pas chez nos enseignants et nos enseignantes aux pronoms variés qui expliquent déjà cette notion à la génération de demain.
Plusieurs enseignants et enseignantes préfèrent se faire vouvoyer, car cela permet de créer une distance avec leurs élèves. Pour Wiline Dorestan, future diplômée en adaptation scolaire et sociale à l’UQAM, il s’agit d’un rappel de la ligne à ne pas franchir entre amie et enseignante. Toutefois, cela pourrait changer au fil de sa carrière.
« Quand j’aurai 15-20 ans [d’expérience], je serai beaucoup plus à l’aise dans ma pratique. Je pense que je pourrais laisser tomber […] certaines mesures sociales comme le vouvoiement parce que j’imagine que j’aurais trouvé d’autres moyens de rappeler à mes élèves qu’on doit avoir une certaine distance », ajoute-t-elle.
Au Collège Letendre, l’école privée où Victoria Adamo enseigne depuis quatre ans, le vouvoiement fait partie des règlements.
« C’est sûr qu’un élève qui m’appellerait par mon prénom et qui me dirait « tu » […], ça viendrait un peu enlever cette autorité-là qui devrait être naturellement installée au sein de la classe », affirme l’enseignante. Le vouvoiement ne l’empêche pas d’avoir de bons liens avec ses élèves.
Pour d’autres comme Laurence Séguin-Craig et Camille Mathieu, le vouvoiement et le tutoiement leur sont égaux. « Le respect passe par bien plus que ça [le vouvoiement et le tutoiement]. C’est une attitude et non une appellation », témoigne Laurence, diplômée en santé sexuelle et enseignante en adaptation scolaire au secondaire depuis 16 ans. C’est aussi ce que pense Camille Mathieu, étudiante de première année en enseignement au primaire à l’UQAM. Aucune des deux ne souhaite se faire appeler « madame ». Pour Laurence Séguin-Craig, le « madame » représente une « vieille gribiche » et elle ne se considère pas comme cela.
Les quatre s’entendent sur le fait que Mx Martine devrait se faire appeler comme iel l’entend. Ce serait une forme d’injustice d’appeler les élèves de la manière dont ils et elles veulent et que l’inverse ne soit pas inévitablement réciproque, affirme Laurence Séguin-Craig . La co-présidente de la Coalition des familles LGBT+, Bianca Nugent, va plus loin et affirme que c’est contraire à l’acte 10 de la Charte des droits et libertés du Québec qui stipule que « toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur […] l’identité ou l’expression de genre […] »
Aborder l’identité de genre en classe
En 2018, le programme d’éducation à la sexualité est devenu obligatoire dans les écoles. Aujourd’hui, il est inscrit dans le cours Culture et citoyenneté québécoise et remplace le programme d’Éthique et culture religieuse. Le contenu de ces formations a été rédigé par des sexologues. Les quatre personnes rencontrées par le Montréal Campus considèrent que ce programme est capital, notamment en raison du fait qu’il aborde des sujets tabous dans certaines familles.
En ce qui concerne la question de genre, il est impossible de « présumer l’identité de genre » à première vue, selon la co-présidente de la Coalition des familles LGBT+. Une étude réalisée en 2022 par l’Université d’Ottawa révèle que les jeunes transgenres et non binaires sont cinq fois plus susceptibles que les jeunes cisgenres d’avoir songé au suicide. Mme Nugent déclare que si les personnes transgenres ont le support de leurs parents, le risque de suicide diminue de 93%. Il est donc important que les enseignants et les enseignantes en parlent, afin que l’école puisse devenir un facteur de protection, d’après la co-présidente.
Afin d’être mieux outillé(e)s, les enseignants et les enseignantes peuvent être formé(e)s par des organismes comme la Coalition des familles LGBT+ ou GRIS-Montréal, qui donnent des ateliers en classe sous forme de témoignages.
Pour sa part, Laurence Séguin-Craig aborde ce sujet avec ses élèves avec la « Personne Gingenre ». Cet outil permet notamment de démystifier l’identité, le sexe biologique, l’attirance et l’expression du genre.
Source : L’R des centres de femmes du Québec.
Mention photo : Élizabeth Martineau
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