Vivre en décalage : ces universitaires qui travaillent la nuit

Le manque de sommeil peut avoir des effets sur la concentration, la vigilance, l’irritabilité ou encore l’humeur. Pourtant, plusieurs étudiants et étudiantes travaillent de nuit en parallèle de leurs études. 

Victoire Neyvoz, étudiante au diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en marketing à l’UQAM, s’est installée à Montréal en 2021. Dès son arrivée dans la métropole, elle s’est trouvé un travail pour subvenir à ses besoins. C’est ainsi qu’elle a déniché un emploi à temps partiel au Nestor, un bar sur la Plaza Saint-Hubert. « Je ne connaissais pas vraiment les horaires à la base, mais quand j’ai vu que c’était en partie de nuit, ça ne m’a pas dérangé », confie Victoire

À l’époque, la jeune femme pouvait finir son quart de travail à quatre heures du matin les fins de semaine. « Quand je rentrais du travail, je n’étais pas capable de m’endormir. Parfois, je pouvais me coucher à 6 h du matin. Donc le lendemain, je dormais jusqu’à 14 h, ce qui ne me laissait pas beaucoup de temps pour faire autre chose », raconte-t-elle. Le lendemain, Victoire Neyvoz n’avait qu’une envie : sortir prendre l’air et « passer à autre chose » avant de reprendre le travail le soir même, si bien que les lectures pour ses cours passaient souvent au second plan.

Depuis la rentrée, Victoire Neyvoz a diminué sa charge de travail au bar puisqu’elle occupe désormais un emploi connexe à son domaine d’études. Elle travaille au Nestor seulement une fois par semaine. « Je me sens moins fatiguée », assure-t-elle.

De longues journées

Fadhel Siguire, quant à lui, travaille dans un hôtel du centre-ville de Montréal depuis janvier 2023. En général, l’étudiant au baccalauréat en systèmes informatiques et électroniques à l’UQAM travaille le samedi et le dimanche de 23 h à 7 h du matin. « Le lundi, c’est compliqué, parce que j’ai un cours à 14 h », avoue-t-il. Quand il finit à 7 h, Fadhel Siguire rentre dormir chez lui jusqu’à ce qu’il doive partir pour son cours de l’après-midi. 

Si Fadhel Siguire s’efforce de suivre ce rythme effréné, c’est parce que « c’est un choix […] J’en profite pour étudier en même temps [que je travaille], et la fin de semaine, je peux profiter de mes journées », soutient-il. Victoire Neyvoz, de son côté, aimait cette « double vie » où elle trouvait son équilibre. Les deux avouent cependant que ce rythme peut être dur à tenir à long terme.

Conséquences psychologiques et physiques

Pour Nadia Gosselin, directrice scientifique du Centre d’études avancées en médecine du sommeil (CÉAMS), le plus important est de se créer une routine. Mêler études et travail de nuit signifie souvent un fort « débalancement » du sommeil, car le rythme change constamment. Cela a pour effet de rendre le sommeil plus léger, fragmenté et donc peu récupérateur. 

Cette irrégularité du sommeil a plusieurs conséquences, à la fois physiques et psychologiques. Le débalancement du cycle de sommeil peut favoriser l’irritabilité et les épisodes dépressifs, en plus d’avoir un impact considérable sur la concentration et la motivation. Certains bénéfices obtenus grâce à un rythme de sommeil régulier peuvent aussi être perdus, explique Nadia Gosselin : « Si on apprend quelque chose dans la journée, on a besoin du sommeil pour consolider cette information-là en mémoire. Donc si après un cours on fait un travail de nuit et qu’on ne dort pas tout de suite, on ne va pas bénéficier du sommeil pour renforcer ces apprentissages-là. » 

Écouter son corps

Le travail de nuit n’est pas recommandé, mais quand il est inévitable ou choisi – comme pour Victoire Neyvoz et Fadhel Siguire – il est possible de mettre en place des stratégies pour diminuer les troubles du sommeil, renchérit Nadia Gosselin. Par exemple, on peut emmagasiner du sommeil en prévention d’une longue soirée en faisant une sieste au cours de la journée. « Ça prend toutefois un certain temps pour synchroniser notre horloge [biologique] », ajoute-t-elle, car « le corps est capable de récupérer une heure de sommeil toutes les 24 h ».

La directrice du CÉAMS nuance en expliquant que ces besoins diffèrent en fonction des personnes, même s’il est vrai que « les jeunes s’adaptent plus facilement au travail de nuit, car leur horloge biologique fait en sorte qu’ils se couchent tard ». L’important est d’écouter son corps, rappelle celle qui croit que le sommeil est encore trop négligé dans notre société. Pourtant, il est aussi important que de bien manger et de faire de l’exercice : « Il faut vraiment le ramener au centre des priorités. » 

Mention photo : Chloé Rondeau

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