L’horreur est sur terre

Nul besoin d’inventer de monstre ou de démon tout droit sortis de l’enfer pour avoir peur. « L’horreur est sur terre », dénonce Ariane Demers, interprète dans le nouveau spectacle immersif d’horreur de la compagnie de production Malefycia, V7CE. Avec comme toile de fond les sept péchés capitaux, V7CE fait réagir sur des sujets bien réels et démontre que l’horreur peut même venir de l’extérieur de la scène.

Pour sa cinquième édition, Malefycia se penche sur les tabous des vices humains. L’orgueil, l’envie, l’avarice, la gourmandise, la paresse, la luxure et la colère sont les thèmes des différentes salles de V7CE. Chaque pièce aborde des sujets d’actualité importants tels que la pédocriminalité, les violences conjugales ou encore la dépendance aux écrans. « Moi, je veux toujours [créer] une horreur [qui possède] une conscience morale ou philosophique », explique la scénariste de Malefycia, Dominique Arganese. 

Expérience difficile

Réservé à un public adulte, V7CE contient un traumavertissement  dans la décharge à signer à l’entrée. L’horreur des sept péchés capitaux est poussée à l’extrême avec des scènes de violences physiques et sexuelles. « L’expérience est anxiogène et intense », annonce Ariane Demers, qui interprète une femme victime de violence conjugale dans la pièce sur la colère. On peut notamment voir son personnage se faire agresser sexuellement par son mari violent. Une scène troublante, mais qui réussit à faire réfléchir. 

À l’intérieur du parcours, en plus de scènes particulièrement choquantes comme la pédocriminalité, les acteurs et les actrices bousculent, crient sur le public et jettent toutes sortes de choses sur les spectateurs et les spectatrices. Tout est fait pour troubler, à un tel point que le public vacille entre la fiction et la réalité grâce au jeu des interprètes qui incarnent parfaitement leurs personnages.  

Dominique Arganese ne pense tout de même pas que le spectacle va trop loin dans l’horreur. « J’ai l’impression qu’on a gardé l’essentiel et vraiment des beaux messages », annonce la scénariste. « C’est sûr qu’on ne peut pas [rejoindre] tout le monde, mais ceux qui sont venus, on les a touchés. C’est le plus important », ajoute-t-elle. 

Ariane Demers, quant à iel, explique que depuis quelques années, le public de Malefycia est majoritairement constitué d’hommes. Iel déplore que certains aillent même jusqu’à encourager les violences dans la pièce sur la colère où iel joue. À l’inverse, iel remercie les femmes qui interfèrent dans les scènes de violence, ce que permet le côté interactif du spectacle. « Il y a des hommes qui vont applaudir, rire pendant que je me fais agresser », dénonce-t-iel. 

« On fait tous partie du problème », affirme Ariane dans sa pièce. L’interprète rapporte qu’iel a même dû intervenir une fois car un homme du public battait sa femme durant le spectacle de l’année précédente. Face à ces hommes, Ariane Demers confie que « c’est presque la féministe enragée qui prend un malin plaisir à les regarder droit dans les yeux dans ces moments-là ». 

Parcours chamboulant

Même pour un public averti, le parcours n’est pas de tout repos. Avec les décors réussis et la grande performance des acteurs et des actrices, le spectacle est un plongeon au cœur de l’horreur. Avec dégoût et malaise, les spectateurs et les spectatrices avancent de pièce en pièce.

Tout, jusque dans les odeurs, est fait pour déstabiliser, notamment dans la pièce sur la paresse, où l’odeur est très rebutante. Une odeur d’urine de chat et de moisissure envahit la salle. La pièce, qui est déjà petite, déborde d’objets multiples sur le sol. L’acteur, lui, crie sur le public pour l’aider à ranger. 

Un certain malaise persiste à cause des scènes pornographiques qui sont projetées sur l’un des murs. Une seule envie vient au public, celle de partir. Cependant, l’expérience va de mal en pis.

Tantôt victime, tantôt coupable, le public est plongé dans les vices humains. Beaucoup de messages et de réflexions sont transmis au cours de ce parcours unique en son genre. Même si la livraison reste difficile en raison du malaise persistant, l’horreur n’est pas un frein au message. 

Les spectacles ont beau être « trash », Dominique Arganese rappelle que les productions de la compagnie « n’ont jamais été une maison hantée »

« On a toujours été une maison immersive de théâtre avec des tabous humains. » 

Pour la réalisatrice Myraï Lavoie, il y a également des messages féministes dans le spectacle. Un de ceux-ci dénonce l’exploitation des femmes au sein des différents mouvements religieux. Des statistiques sur les agressions sexuelles et les violences conjugales sont aussi présentées au public. Pour l’interprète Ariane Demers, « il est temps qu’on en parle et qu’on arrête de [cacher] ça sous un tapis. »

Réussite endiablée

Selon Myraï Lavoie, le spectacle V7CE est une réussite. Que ce soit les acteurs et les actrices, la production ou les décors, « c’était parfait », affirme-t-elle. Selon Dominique Arganese, les messages du spectacle ont bien été saisis. « C’est vraiment les meilleurs commentaires qu’on a eu à la table depuis toutes ces années », soutient-elle. 

Pour une expérience sensorielle et anxiogène, V7CE est présenté jusqu’au 29 octobre au 6945, avenue du Parc.

Mention photos : Léonie Poulin

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