« Æmulus » : Communion entre la danse et la technologie

Conçu et co-chorégraphié par Jean-François Boisvenue, le spectacle de danse contemporaine Æmulus met en parallèle six bras robotisés et la co-chorégraphe et interprète Giverny Welsch dans une quête lors de laquelle le public est amené à questionner sa relation avec la technologie. 

Le 2 octobre dernier, lors de la première d’Æmulus, les spectateurs et les spectatrices provenant des milieux du cirque, de la photographie et de la danse semblaient ravi(e)s de leur soirée. Christophe, un amateur de danse qui fréquente La Chapelle (la salle est présenté Æmulus) depuis 15 ans déjà, décrit le spectacle comme « inspirant et questionnant ». Audrey Moulin-Choquette, danseuse amatrice de baladi et de salsa, a aussi apprécié Æmulus. « [Ce spectacle] mélange la danse et la pensée que la technologie prend peut-être le dessus sur nous. [C’était] intense et un peu étrange », dit-elle. 

Ces réactions sont une forme de succès pour les chorégraphes, qui désiraient que le public se questionne sur sa relation avec la technologie et l’importance qu’il y accorde. 

À première vue, cette pièce sombre n’est pas nécessairement accessible à tous et à toutes. Elle peut être difficile à comprendre, car elle ne comprend aucun dialogue. Le public doit sans cesse s’imaginer une histoire, qui n’est pas nécessairement celle voulue par l’équipe créative. Cependant, en connaissant l’histoire derrière la conception et en comprenant cette œuvre, il est beaucoup plus simple d’apprécier un spectacle d’une telle envergure à sa juste valeur. 

En douze tableaux

Æmulus se démarque par sa mise en scène à travers douze tableaux distincts d’une durée d’environ cinq minutes chacun. Le spectacle suit une imitation réciproque entre six bras robotisés et l’interprète. Son nom latin l’indique indirectement : Æmulus signifie émule, explique le concepteur du spectacle Jean-François Boisvenue. « Un émule, c’est quelqu’un ou quelque chose qui essaie d’imiter, voire de surpasser quelqu’un ou quelque chose. Dans le spectacle, c’est Giverny qui était émule. Les bras sont émules les uns des autres, tout dépendant du rapport », renchérit-il.

Chaque tableau pourrait être interprété différemment par chacun et chacune. C’est même le cas pour les deux chorégraphes du spectacle, qui tirent des conclusions différentes quant à la signification des douze chapitres du spectacle. À titre d’illustration, le premier tableau est constitué d’une lumière projetée représentant le soleil vers laquelle se déploie la danseuse. Pour l’interprète, celui-ci représente l’allégorie de la caverne de Platon un prisonnier sort de l’ignorance et accède enfin à la vérité par l’entremise du soleil. Pour le concepteur, le tableau signifie la naissance de la vie et par conséquent, la sortie de l’eau. 

À l’origine des « WALL-E »

En 2020, en plein cœur de la pandémie, Jean-François Boisvenue enseignait des ateliers d’art numérique. C’est lors d’un cours qu’il a eu l’idée de retravailler sur un de ses projets qui avait été reporté à plusieurs reprises. Ce dernier était basé sur la capture de mouvements avec des caméras infrarouges. Le créateur d’Æmulus a poussé son idée plus loin et a créé « un bras en bois qui imitait vaguement [les] mouvements [du chorégraphe] ». Le chorégraphe a ensuite contacté Giverny Welsch, qu’il avait déjà rencontré à l’UQAM pour un projet de doctorat, pour travailler avec elle sur le spectacle.

Pendant près de trois ans, M. Boisvenue est allé chercher de l’aide d’experts et d’expertes comme Alexandre Gauvin, développeur de vision artificielle. Il a aussi suivi les formations nécessaires en robotique et en impression 3D pour que son projet prenne son envol. Afin de diminuer les coûts de production, il a lui-même construit les six bras robotisés. Ce spectacle a nécessité plus de 320 heures de répétition pour que les robots correspondent à la vision exacte de Jean-François Boisvenue. 

Au départ, les robots ne devaient pas être aussi « attachants », explique le concepteur d’Æmulus. La chorégraphe Giverny Welsch désirait atteindre une « harmonie entre les [robots et la danseuse] ». D’ailleurs, la spectatrice Audrey Moulin-Choquette a gentiment surnommé les robots « WALL-E ».

À long terme, les chorégraphes aimeraient que le public puisse expérimenter et jouer avec les robots. M. Boisvenue et Mme Welsch souhaitent aussi faire voyager Æmulus dans le monde entier afin que plusieurs spectateurs et spectatrices puissent bénéficier de cette expérience qui n’a duré que quatre jours à Montréal. Ils sont actuellement en pourparlers pour présenter le spectacle à Budapest. 

Mention photo : Jean-François Boisvenue

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