Difficile de ne pas avoir faim après avoir visionné La Passion de Dodin Bouffant, le dernier film de Trân Anh Hùng (L’Odeur de la papaye verte), présenté à la cérémonie d’ouverture de la 52e édition du Festival du Nouveau Cinéma (FNC) ce mercredi. Le réalisateur célèbre la gastronomie française à travers une mise en scène généreuse, qui donne envie de se joindre aux festivités.
Il est vrai qu’on ne peut que saliver devant les plats raffinés et goûteux que préparent Eugénie (Juliette Binoche) et Dodin (Benoît Magimel), un couple de cuisiniers à la fin du 19e siècle. On pourrait presque sentir l’odeur des légumes qui mijotent, des herbes fraîchement cueillies ou du carré de veau tout juste retiré du four. L’attention portée aux détails des plats et de leur préparation a d’ailleurs valu à La Passion de Dodin Bouffant le Prix de la mise en scène du Festival de Cannes.
Un régal de mise en scène
La caméra suit chaque mouvement avec précision, menant une chorégraphie dynamique, mais mesurée. Celle-ci est toutefois créée sans musique. Elle est portée par des visuels riches et agrémentés de bruits propres à la cuisine. Le bruit du couteau sur la planche à bois, les couverts qui s’entrechoquent, la mastication et des râles de plaisir en pleine dégustation se suffisent à eux-mêmes. Bien que l’auditoire ne fasse que le regarder manger, l’impression d’être aux côtés d’un Dodin… bouffant est réussie.
Le film — adaptation du livre du même nom de Marcel Rouff — se veut très réaliste, sans artifice et authentique, autant pour la nourriture que pour la relation amoureuse qui lie les deux personnages principaux.
Une force tranquille…
Dodin, maître d’un château en Anjou (région de Maine-et-Loire) et cuisinier doué, partage ses fourneaux avec Eugénie depuis vingt ans. Ensemble, ils sont « à l’automne de leur vie ». Leur couple vit une existence paisible et heureuse, sans embûche — si ce n’est le refus d’Eugénie d’épouser Dodin. Tran Anh Hung ne cherche pas la caricature, au contraire, il accorde de l’importance à la simplicité. Le public pourrait s’attendre à ce qu’une dispute éclate à la suite d’un malentendu sur une recette ou bien d’une cuisson un peu trop élevée, mais le couple est une force tranquille, pudique et bienveillante. Cela peut paraître fade et peu convaincant, mais sert plutôt bien le propos du film puisque la vraie passion de Dodin et d’Eugénie est la nourriture.
… qui manque de profondeur
Seulement, après plus de deux heures à observer la concoction de toutes sortes de recettes fidèles à la gastronomie française (vol-au-vent, omelette norvégienne, le célèbre pot-au-feu), on finit par avoir fait le tour de la cuisine. Les efforts de Juliette Binoche et Benoît Magimel pour incarner des cuisiniers et des cuisinières (et des mangeurs et mangeuses) féru(e)s ne suffisent pas à transporter le public. Regrettable d’ailleurs que le célèbre chef français Pierre Gagnaire apparaisse moins de cinq minutes à l’écran pour nous énumérer ironiquement le menu rocambolesque d’un repas en trois services, présenté par le prince d’Eurasie. La Passion de Dodin Bouffant est visuellement très beau, il n’y a aucun doute, mais le scénario manque un peu de profondeur.
La France à l’honneur
Autrement, c’est un bel hommage à la gastronomie française et à son histoire. Plusieurs grands noms de la cuisine sont d’ailleurs cités comme Antonin Carême, admiré autant par Dodin que par Eugénie. Les vins français sont également mis à l’honneur tout au long du film. Pour les novices dans le domaine de l’œnologie et de la sommellerie française, c’est un bon moyen d’apprendre le nom de quelques grands crus. Pour couronner le tout, le film, traduit en anglais par The Pot-au-feu, a été sélectionné pour représenter fièrement la France dans la course aux Oscars et ravir les Américains devant le savoir-faire français au milieu des plumes, du beurre, de la chair crue et des légumes.
Le long-métrage fait un bon film d’ouverture au FNC en mettant l’eau à la bouche à son public cinéphile dont il arrivait au ventre de gargouiller. Le réalisateur a honoré de sa présence en accueillant chaleureusement le public du cinéma impérial pour une soirée « de plaisir », mettant en avant celui « de manger, d’aimer, mais aussi de transmettre ». Les invité(e)s ont pu prolonger le plaisir en dégustant un pot-au-feu après la projection. La Passion de Dodin Bouffant fera le bonheur des plus gourmands et gourmandes et sera source d’inspiration pour les « instagrameurs » avides de food porn lorsqu’il arrivera sur grand écran le 11 novembre prochain.
Mention photo : image tirée du film La Passion de Dodin Bouffant
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