Plus de trente ans après la chute du mur de Berlin, force est d’admettre que l’idéal socialiste ne sollicite plus le même engouement, d’après des militants et des militantes. Avec l’anxiété croissante des jeunes Québécois et Québécoises face aux enjeux économiques et climatiques, le mouvement socialiste souhaite offrir une solution de rechange au système actuel.
Simon Berger, étudiant à la maîtrise en histoire de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), milite au sein de la Riposte socialiste, une organisation marxiste présente au Québec et au Canada. Face à la crise climatique et économique, Simon Berger croit, comme ses « camarades », que le renversement du capitalisme est nécessaire. « Réformer le capitalisme équivaut à combattre un cancer avec des Advil », illustre le militant socialiste.
L’objectif de la Riposte socialiste est d’initier la population à se mobiliser derrière un projet de société socialiste. Pour y parvenir, le regroupement fait de la mobilisation dans les espaces publics, publie une revue mensuelle et tient des conférences dans les établissements d’enseignement supérieur. C’est par ailleurs dans un local de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM que s’est tenue la dernière conférence de l’organisation. Quelques dizaines de sympathisants et sympathisantes étaient sur les lieux.
D’après l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, le socialisme constitue « une revendication pour un État interventionniste [qui], selon cette logique, permettrait une distribution plus égalitaire que le [libre] marché ». Non sans certaines nuances, le socialisme est à la fois le père du modèle scandinave et du régime totalitaire chinois. La définition plutôt large du socialisme a donné naissance à plusieurs philosophies politiques telles que le trotskisme, le marxisme ou le communisme.
L’âge d’or du socialisme québécois
Marquées par la révolution cubaine et la décolonisation de l’Afrique, les années 1960 ont été glorieuses pour le mouvement socialiste à l’échelle planétaire. L’idéal révolutionnaire a alors pris de l’ampleur dans les mouvements étudiants aux quatre coins du globe. En pleine ébullition politique et sociale, le Québec n’a pas échappé à la tendance. Des mouvements tels que la grève étudiante de 1968 ou le Front de libération du Québec en sont des exemples.
Aujourd’hui retraité du milieu de l’enseignement, Bernard Rioux milite depuis des décennies dans le milieu socialiste québécois. Il constate un affaiblissement des forces socialistes depuis la dernière décennie. Le militant montre du doigt plusieurs facteurs ayant mené à ce déclin, tels que la désunion des diverses forces militantes et le vieillissement de la population. « À une époque pas si lointaine, les 20 à 30 ans occupaient une part considérable de la population. C’était un terreau fertile pour les idéaux révolutionnaires », argue l’ex-enseignant au collégial.
Mark-David Mandel, professeur retraité au Département de science politique de l’UQAM et militant socialiste de longue date, abonde dans le même sens. Celui qui a œuvré durant de nombreuses décennies dans le milieu syndical québécois ajoute que le déclin de la popularité du socialisme est causé en bonne partie par la transformation de la classe ouvrière au Québec et dans les autres sociétés développées. « Le milieu ouvrier était le moteur du mouvement, et celui-ci n’est pas forcément parvenu à adapter son message en conséquence », concède-t-il.
Le socialisme condamné à l’échec ?
M. Mandel définit le socialisme comme « l’extension de la démocratie à la vie économique ». Toutefois, la mise en place de régimes socialistes, notamment à Cuba ou en ex-Yougoslavie, a démontré que cette doctrine est un rempart faillible face aux inégalités et au totalitarisme. Aujourd’hui, la Chine et la Corée du Nord constituent aussi des exemples des failles du socialisme.
Mais pour la plupart des militants et des militantes socialistes, les États énumérés plus haut ne sont pas réellement socialistes. Du moins, ils n’ont pas appliqué la doctrine telle qu’initialement conçue. « L’URSS n’était qu’une dégénérescence bureaucratique, comme le fussent ou le sont encore les gouvernements socialistes », affirme Bernard Rioux. MM. Mandel et Berger partagent cette vision des choses. Questionné à savoir si les choses seraient différentes ici, Simon Berger répond que « le Québec a une économie solide et une population éduquée. De plus, nous avons appris des erreurs du passé. J’ai bon espoir que nous pourrons réaliser cet idéal socialiste sans embûches ».
Les trois militants estiment toutefois que le mouvement socialiste ne pourra jamais se mobiliser à la hauteur de son potentiel tant et aussi longtemps que les forces progressistes sont désunies. Selon eux, l’essor du socialisme passe par une convergence des luttes féministes, LGBTQ+, écologistes et décoloniales. « Notre ennemi commun, c’est le capitalisme », résume Simon Berger.
Mention illustration : Camille Deheane|Montréal Campus
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