L’histoire de l’Ukraine, inaccessible sur les campus 

Plus d’un an après le début de la guerre en Ukraine, l’Université du Québec à Montréal (UQAM) n’offre toujours pas de cours concernant l’histoire ukrainienne. Des cours seraient toutefois essentiels pour comprendre l’actualité, selon des experts et des expertes interrogé(e)s par le Montréal Campus.

« L’incompréhension et le manque de connaissance de l’histoire de l’Ukraine empêchent de comprendre les processus contemporains », affirme le professeur Yaroslav Hrytsak, historien de renommée internationale enseignant à l’université catholique ukrainienne de Lviv

Il explique que depuis le 24 février 2022, date du début de l’invasion russe, l’histoire est entrée dans une nouvelle phase. « L’histoire de l’Ukraine est devenue importante à l’échelle globale », défend le professeur. À présent que l’Ukraine joue un rôle déterminant dans l’ordre mondial, il est nécessaire d’étudier son histoire, croit-il. 

Après avoir contacté le département d’histoire de l’UQAM, le Montréal Campus a constaté que l’université n’offre pas de cours portant uniquement sur l’histoire de l’Ukraine. Toutefois, certains cours peuvent aborder au passage l’Ukraine, notamment le Cours-atelier en histoire contemporaine de l’Europe ou de la Russie et des pays de l’Est. La description du contenu du cours est davantage axée sur la Russie. Le professeur donnant ce cours a d’ailleurs décliné la demande d’entrevue du Montréal Campus.

La guerre en quelques faits saillants

  • Le 24 février 2022, la Russie envahit l’Ukraine ;
  • Depuis le début de la guerre, plus de 8 millions d’Ukrainiens et d’Ukrainiennes se sont réfugié(e)s en Europe et plus de 6,9 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ;
  • En date du 15 janvier 2023, 7 031 civils avaient été tués et 11 327 avaient été blessés, selon le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme ; 
  • Depuis le 27 avril 2022, le Canada reconnaît cette guerre comme génocidaire. 

Décoloniser l’histoire

L’histoire de la colonisation russe est méconnue, d’après Yaroslav Hrytsak. Au cours de son histoire, la Russie a notamment colonisé l’Ukraine, la Sibérie, l’Arctique ainsi que des pays de l’Asie centrale.

Les Ukrainiens et les Ukrainiennes ont été colonisé(e)s par l’Empire russe à partir de 1667. L’Ukraine est finalement devenue indépendante en 1991.

Même si les anciennes colonies russes sont devenues indépendantes après la chute de l’Union soviétique, plusieurs demeurent encore aujourd’hui dans la zone d’influence russe, excepté l’Ukraine. 

L’Ukraine reste donc un pays clé pour la Russie, car son indépendance est un exemple de succès pour les autres colonies russes, explique M. Hrytsak. 

Selon le professeur, il est important d’étudier l’ensemble des nations colonisées par la Russie, et pas seulement l’Ukraine. « Est-ce que quelqu’un a attendu parler des Géorgiens, Arméniens, Tchouvaches, Iakoutes ? C’est aussi des peuples qui méritent leur histoire », affirme M. Hrytsak. 

Peu de matériel en français 

La directrice du centre des Études ukrainiennes à l’Université du Manitoba, Yulia Ivaniuk, déplore le manque de recherches et de publications sur l’histoire de l’Ukraine disponibles en français au Canada. « Les études ukrainiennes sont un outil contre la propagande russe », insiste Mme Yulia. 

Le centre des Études ukrainiennes possède plusieurs ouvrages sur la question disponibles au grand public. Par contre, Mme Yulia reconnaît que la majorité des travaux du centre sont publiés en anglais. Le centre souhaite rendre disponibles plus d’ouvrages en français.

Depuis le début de l’invasion russe, plusieurs bibliothèques québécoises sont entrées en contact avec le centre des Études ukrainiennes de l’Université du Manitoba. Nombreuses sont les bibliothèques québécoises qui souhaitent rendre davantage d’ouvrages sur l’Ukraine disponibles dans leurs rayons, souligne Mme Ivaniuk.  

L’histoire à réviser 

Les études russes ont commencé à s’implanter en Amérique du Nord au début du 20e siècle et elles ont gagné en popularité dans le contexte de la Guerre froide, explique Orest Cap, enseignant en formation de cadre à l’Université du Manitoba et directeur de la Fondation canadienne des études ukrainiennes.

Selon lui, la manière d’enseigner l’histoire de l’Europe de l’Est n’a pas changé depuis les années 1960 : elle reste encore aujourd’hui russocentriste. « Il faut minimiser les programmes russes qui sont mis en place et avoir des programmes sur l’Ukraine, la Pologne, l’Estonie ou d’autres pays », pense M. Cap.  

Le professeur ajoute que les programmes d’enseignement sur l’histoire russe sont aujourd’hui subventionnés par les universités, contrairement aux programmes portant sur l’histoire ukrainienne, uniquement financés par des fonds privés ukrainiens. Par exemple, le centre des Études ukrainiennes à l’Université du Manitoba est subventionné par des fonds privés ukrainiens.  

Mention illustration : Camille Dehaene|Montréal Campus

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