Isabelle Marcotte, fièrement scientifique

Dans un monde où les sciences sont encore dominées par les hommes, il suffit de franchir les portes de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) pour trouver Isabelle Marcotte, un modèle pour les futures scientifiques du Québec. Portrait d’une spécialiste en chimie biophysique qui brise les stéréotypes.

« J’aimais ça, aller à l’école », raconte avec un sourire Mme Marcotte, vice-doyenne à la recherche de la Faculté des sciences de l’UQAM. Intéressée par la chimie dès son secondaire, elle complète un baccalauréat dans ce domaine en étudiant à Rimouski et à Zurich. C’est aujourd’hui à Montréal, dans son bureau rempli de cactus, situé au Complexe des sciences Pierre-Dansereau de l’UQAM, qu’elle s’entretient avec le Montréal Campus. 

La jeune passionnée a complété sa maîtrise en chimie à l’Université de Montréal, puis son doctorat sur la résonance magnétique nucléaire (RMN) à l’Université Laval. Ce domaine permet l’analyse de structures moléculaires. « C’est une science cousine à l’imagerie à résonance magnétique (IRM), utilisée dans les hôpitaux, mais avec des champs magnétiques plus élevés », explique-t-elle. Les instruments de Mme Marcotte utilisent des champs magnétiques d’une puissance jusqu’à cinq fois plus élevée que les IRM.

En 2006, elle rejoint les rangs de l’UQAM en tant que professeur de chimie et elle y fonde la même année son laboratoire de RMN. 

Grâce à sa cinquantaine de publications en carrière, elle fait avancer les connaissances scientifiques et innove dans son domaine. Ses recherches portent notamment sur l’interaction de peptides (chaînes de protéines) provenant de grenouilles australiennes avec de bactéries, sur les membranes cellulaires des microalgues ainsi que sur les propriétés des toiles d’araignées et du byssus (fibre produite par les moules).

Les peptides microbiens des grenouilles ont la capacité de briser les parois des bactéries. La scientifique explique que les antibiotiques perdent leur valeur après un certain temps, à cause des bactéries qui développent des résistances. Ses travaux sur les peptides contribuent à l’avancement d’antibiotiques performants à long terme. 

Du côté des microalgues, elle mentionne que leurs propriétés peuvent aider l’environnement. « Elles produisent des protéines et des gras […] et elles sont entrevues comme une source éventuelle de nourriture pour la planète. Ça vit dans l’eau, tu leur donnes juste du soleil et du CO2, et elles produisent plein de molécules bonnes pour les humains », expose Mme Marcotte. 

L’importance de la science au féminin

Le manque de représentation des femmes en sciences n’encourage pas celles-ci à choisir ce domaine d’études, selon Mme Marcotte. « Si on regarde les départements de chimie à travers le Canada, il n’y a jamais vraiment plus que 20 % de femmes. On se prive de la moitié de la population qui a pourtant des idées », déplore la scientifique. 

La professeure admet qu’elle a eu certaines remises en question qui ont affecté son parcours. « La seule image que j’avais du leadership était masculine. Je me demandais si j’allais avoir de la crédibilité. […] C’est intimidant d’arriver dans des congrès remplis d’hommes. Tu sens une tension et ça te rend insécure », raconte-t-elle. 

Mme Marcotte croit fermement qu’il faut montrer l’existence de modèles féminins dans le monde scientifique. La biophysicienne se dit chanceuse d’avoir eu des femmes mentores et observe une conscientisation dans la communauté scientifique sur la nécessité de la diversité.

« Il y a plusieurs maladies touchant les hommes qui ont été plus étudiées, estime la scientifique. La ménopause, ça a pris des années avant qu’on en parle et que l’on réalise l’ampleur de cette perturbation hormonale », déplore-t-elle.

Aujourd’hui, Mme Marcotte, qui est la première femme vice-doyenne à la recherche de la Faculté des sciences de l’UQAM, est un exemple pour son entourage. La professeure de chimie à l’UQAM Lekha Sleno mentionne qu’Isabelle l’a « encadrée et soutenue en tant que jeune et nouvelle professeure » et qu’« elle a inspiré un grand nombre d’étudiants et collègues au fil des ans grâce à ses réalisations et à son soutien ».

Collègue de Mme Marcotte, le fondateur du centre de recherche en nanotechnologies NanoQAM, Mohamed Siaj, affirme que celle-ci a permis « la mise en œuvre d’une nouvelle culture de gestion inclusive des plateformes de recherche, […] ce qui requiert une grande polyvalence ». Décrite par M. Siaj comme étant accueillante, une leader passionnée et une alliée, la vice-doyenne laisse sa marque dans sa communauté.

Changer les mentalités

En plus de ses recherches, Mme Marcotte promeut activement la représentation des femmes dans son milieu. En 2020, elle a mis sur place, en collaboration avec la Fondation de l’UQAM, le Fonds pour les femmes en sciences qui permet à des étudiantes d’obtenir des bourses pour leurs études. 

Le 11 février, lors de la Journée internationale des femmes et filles de science, la vice-doyenne sera au Centre des sciences de Montréal. L’évènement « Femmes et filles de science » permet à des jeunes de rencontrer des femmes scientifiques aux parcours inspirants.

La biophysicienne compte maintenant monter un projet de mentorat en sciences à l’UQAM. Elle veut rappeler aux futures chercheuses qu’« il ne faut pas oublier qu’elles ont leur place et que le monde a besoin de leur créativité ». 

Le mot favori d’Isabelle Marcotte en ce moment est « cactus ». « C’est une plante résiliente et qui ne lâche pas », affirme-t-elle en riant.

Photo fournie par Isabelle Marcotte

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