« Ta dernière marche dans la mosquée » : l’importance de se souvenir, six ans plus tard

Hommage aux victimes de la tuerie à la grande mosquée de Québec en 2017, le documentaire Ta dernière marche dans la mosquée témoigne de la résilience d’une communauté meurtrie par l’islamophobie. À l’occasion du sixième anniversaire du drame, l’Association des Étudiants musulmans de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) a organisé dimanche dernier une projection du long-métrage suivie d’une discussion.

Le documentaire réalisé par Ubaydah Abu-Usayd et Abderrahmane Hedjoudje, sorti quatre mois après la tuerie au Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), s’ouvre sur le témoignage d’Aymen Derbali. Le père de famille a reçu sept balles dans le corps le 29 janvier 2017. Tétraplégique depuis le drame, il raconte que sa dernière marche a été celle dans la mosquée, d’où le titre du documentaire. « Ma femme est toujours auprès de moi, 12 heures par jour à mes côtés, à prier pour que je guérisse et à me parler », témoigne-t-il. 

Il y a six ans, la vie de M. Derbali et celle de plusieurs autres ont radicalement changé lorsqu’un homme armé est entré dans le CCIQ et a ouvert le feu sur des personnes venues pour la dernière prière de la journée. Six personnes sont décédées et huit ont été grièvement blessées. Une soixantaine d’hommes ont pu s’échapper et se mettre en sécurité. Les survivants et les survivantes de ce massacre et les victimes collatérales, comme les enfants et les femmes des hommes décédés, témoignent tour à tour dans Ta dernière marche dans la mosquée.

Les hommes pleurent et racontent qu’ils ont vu leurs frères se faire tuer. La fille de l’imam Nizar, qui dirigeait la prière ce jour-là, était sur les lieux et a vu son père se faire tirer dessus. L’un des hommes présents, Hakim, a attrapé la jeune fille qui courait vers son père, paniquée, et lui a sauvé la vie. 

Des témoignages bouleversants

La ciné-conférence qui s’est tenue à l’UQAM a débuté par un discours de l’imam Hassan Guillet. « J’ai été la personne désignée pour le discours de l’enterrement des victimes. Je leur ai promis d’enterrer leurs corps, mais pas leurs rêves », a-t-il raconté. L’un des réalisateurs, Ubaydah Abu-Usayd, a également participé à la discussion via visioconférence.

Au cours du documentaire, la communauté souligne la force et le courage des six veuves d’avoir continué à travailler, à sortir et à s’occuper de leurs enfants malgré la tragédie. « Je suis fière d’avoir été son épouse, fière d’avoir eu des enfants avec lui. Je ne pleure pas parce qu’il est mort, je pleure parce qu’il n’est plus là », confie l’une des veuves.

Les deux réalisateurs ont tenu à produire ce long-métrage pour honorer la mémoire des victimes, mais aussi pour montrer comment la communauté musulmane a pu se relever d’une telle épreuve. Après la tuerie, les émotions des fidèles étaient partagées : la tristesse d’avoir perdu des proches s’amalgamait à la joie d’avoir survécu et d’entendre ses enfants rire à nouveau.

Et aujourd’hui?

Alexandre Bissonnette, le tueur à l’origine de ce drame, a été condamné à la prison à vie, mais pourra demander une libération conditionnelle après 25 ans. En 2017, au premier jugement, il était question d’une demande de libération conditionnelle après 40 ans. Malgré l’horreur de l’évènement, les victimes le plaignent. « Il était jeune, il avait la vie devant lui et il l’a gâchée ce jour-là. Il va devoir vivre avec le deuil et la souffrance de la communauté sur ses épaules toute sa vie », a décrit la femme d’Azzedine Soufiane, l’une des victimes de la fusillade.

L’islamophobie tue et ce soir-là, elle a tué Ibrahima Barry, Mamadou Tanou Barry, Khaled Belkacemi, Abdelkrim Hassane, Azzedine Soufiane et Aboubaker Thabti. Elle a laissé derrière elle des orphelins et des orphelines, des veuves et une communauté meurtrie.

Pour lutter contre l’islamophobie, le gouvernement fédéral a lancé la Semaine de la sensibilisation musulmane (SSM). Depuis 2019, la dernière semaine du mois de janvier sensibilise et contribue à la solidarité et aux échanges entre musulman(e)s et non-musulman(e)s. « Nous venons tous et toutes d’horizons et de milieux différents, mais nous sommes tous de fiers Québécois, et lorsque nous allons à la rencontre de l’autre pour mieux nous connaître, tout le monde y gagne », a affirmé Samira Laouni, présidente du conseil d’administration de la SSM, via un communiqué de presse diffusé le 21 janvier dernier.

« En tant que musulmans, nous devons agir tous ensemble pour lutter contre l’islamophobie. Il faut un seul arbre pour faire des millions d’allumettes, mais il suffit d’une seule allumette pour mettre le feu à toute une forêt. Nous devons agir individuellement et collectivement pour dire non à la violence et à la haine », plaide l’imam Hassan Guillet.

Mention photo : Photo fournie

Commentaires

Une réponse à “« Ta dernière marche dans la mosquée » : l’importance de se souvenir, six ans plus tard”

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