Les interprètes en langue des signes sortent de l’ombre

Le public québécois a pu les apercevoir durant les points de presse du gouvernement pendant la pandémie. Les interprètes en langue des signes agissent en tant que pont communicationnel essentiel pour plusieurs personnes sourdes. Portrait d’une profession qui suscite encore la curiosité. 

L’engouement pour la profession d’interprète en langue des signes, Charline Savard, coordinatrice des services linguistiques chez Services Linguistiques CB (SLCB), a pu le constater à la suite des conférences de presse du premier ministre, François Legault. En effet, des interprètes étaient souvent présents et présentes pour traduire les propos du politicien et de ses collègues qui étaient diffusés à la télévision. 

« Avant, la visibilité du travail des interprètes et de la communauté sourde était peut-être moindre […] Là, les gens ont commencé à s’interroger, ça a piqué leur curiosité de voir les interprètes apparaître », explique la coordonnatrice, qui est elle-même une personne sourde. 

Le parcours le plus commun pour devenir interprète en langue des signes est de compléter la Majeure en interprétation français-langue des signes québécoise à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Certaines personnes vont s’inscrire au préalable au Programme Communication et études sourdes offertes au Cégep du Vieux Montréal sous forme d’attestation d’études collégiales (AEC). « On aimerait que ce soit un baccalauréat ou une maîtrise […], on se croise les doigts par rapport à ça », exprime Mme Savard. 

Une profession « valorisante », mais « demandante »

Brigitte Giguère, qui est une interprète agréée de l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec (OTTIAQ) et qui est directrice à la qualité et à l’éthique pour le Service d’interprétation visuelle et tactile (SIVET), souligne que la profession d’interprète requiert énormément de concentration. Elle précise que le travail cognitif effectué par les interprètes est comparable à celui d’un contrôleur aérien. « On doit écouter le message source, le comprendre, le mémoriser, le reformuler puis l’exprimer dans la langue cible, tout ça simultanément », énumère Mme Giguère. 

Selon elle, la profession d’interprète est très valorisante, mais elle est surtout essentielle, puisque les interprètes sont le « pont » communicationnel entre la communauté sourde et les personnes entendantes. Le droit d’accessibilité à la communication est fondamental pour tout le monde. « On ne s’en rend pas compte, mais on a un privilège qu’on ne connaît pas [celui d’entendre], jusqu’à ce qu’on soit face à un bris de communication », explique l’interprète agréée. 

Des liens forts 

Les interprètes en langue des signes doivent tisser un lien de confiance avec les personnes sourdes et malentendantes. Pour sa part, Audrey Breton, qui travaille dans le domaine de la restauration, souhaite apprendre à connaître l’interprète qu’elle devra côtoyer. « J’avais une interprète en or avec qui le lien de confiance était fort et facile à l’Université Laval, et rire avec elle des moments cocasses en classe a soudé le lien étudiante-interprète aussi », exprime l’étudiante au AEC en comptabilité. Il est essentiel pour Mme Breton que son interprète utilise les expressions faciales et la gestuelle corporelle pour s’exprimer.

La profession d’interprète en langue des signes est également soumise à un code d’éthique rigoureux. L’intégrité et l’impartialité sont de mise. Les interprètes sont également tenu(e)s au secret professionnel et ils et elles sont dans l’obligation d’interpréter intégralement les propos de toutes les parties prenantes. 

Les cours de LSQ gagnent en popularité

Charline Savard suggère aux futur(e)s interprètes de s’inscrire à des cours de langue des signes québécoise (LSQ) et de les compléter jusqu’au dernier niveau. Toutefois, la clientèle qui suit ces cours est plutôt variée. Mme Savard se souvient entre autres d’une jeune femme qui étudiait en technique policière. Celle-ci s’était inscrite à des cours de LSQ pour être en mesure d’interagir avec une personne sourde si elle procède à une arrestation, par exemple. 

Cynthia Benoit, qui est la directrice générale de la compagnie SLCB, explique que dans les premiers cours de LSQ, une activité brise-glace est organisée. Les participants et les participantes commencent par imiter les gestes des animaux, par exemple ceux des singes. Ensuite, ils et elles imitent des gestes naturels du quotidien, tels que boire et manger. Mme Benoit précise que dans ces ateliers, les enseignants et les enseignantes de LSQ se concentrent sur l’importance des expressions faciales, un « incontournable dans la langue des signes », selon elle. 

Audrey Breton explique quant à elle que l’accès aux interprètes demeure ardu. Elle illustre ses propos en expliquant que si une personne sourde a un accident et doit se rendre à l’hôpital et que celle-ci n’a pas accès à un ou une interprète ou à sa famille, il est difficile pour cette personne de communiquer ses besoins auprès du personnel hospitalier. Malgré les recherches de plus en plus nombreuses sur la langue des signes dans les dernières années, le manque criant d’interprètes dans plusieurs sphères de la société est flagrant pour la communauté sourde. 

Mention photo Maude Ravenelle|Montréal Campus

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