À deux clics du gros lot, à un seul de l’endettement

Ce texte est paru dans l’édition papier du 30 novembre 2022

Les jeux de hasard et d’argent en ligne ont augmenté en popularité depuis le début de la pandémie de COVID-19. Pour beaucoup de joueurs et de  joueuses, ces sites sont des passe-temps, mais pour d’autres, ils sont devenus une nécessité.

Propriétaire de son entreprise à Québec, Justin* ne croyait pas devenir un joueur de jeux de hasard et d’argent compulsif durant la pandémie. Le jeune homme de 24 ans a commencé à faire des paris sportifs pour le plaisir après avoir vu des annonces des casinos en ligne Stake et Bet99. Elles étaient diffusées lors de ses matchs de sports favoris. « La possibilité de faire de l’argent facile en écoutant quelque chose que j’aime m’a semblé alléchante », indique-t-il.

Depuis qu’il a commencé les jeux de hasard et d’argent en ligne, Justin a perdu entre 3000 $ et 4000 $.

Une accessibilité inquiétante

Entre 2020 et 2021, 20 % des Québécois et des Québécoises ont joué à des jeux en ligne. Près de 8 % d’entre eux et elles y ont joué pour la première fois, selon un sondage réalisé par l’Institut national de santé publique du Québec. 

D’après Maude Bonenfant, professeure titulaire au Département de communication sociale et publique de l’Université du Québec à Montréal, la hausse en popularité des jeux en ligne n’est pas surprenante. « Après la pandémie, nous avons constaté une augmentation des comportements associés à la dépendance aux jeux, et ce, parce que la population était confinée et que les jeux en ligne sont extrêmement accessibles. À cause de cela, ils attirent une clientèle vaste », déplore-t-elle. 

Une échappatoire prisée 

Christophe Miville-Deschênes, intervenant en prévention à la Maison l’Odyssée, un organisme communautaire visant à venir en aide aux personnes qui sont aux prises avec une problématique de jeu excessive ou pathologique, avance que les joueurs et les joueuses en quête de satisfaction rapide sont en fait à la recherche de dopamine. 

« La recherche constante de dopamine joue dorénavant avec mes émotions. Autant que j’ai de fortes émotions positives lorsque je remporte de l’argent que j’en ai de très négatives lorsque j’en perds », précise Justin.

Désormais, le jeune homme a de la difficulté à regarder des matchs de sports lorsqu’il ne parie pas d’argent. « J’ai en quelque sorte perdu ma fougue pour le sport. Je ne suis plus du tout excité d’écouter les parties lorsque je sais qu’il n’y a aucune chance que je remporte de l’argent », énonce Justin. 

« Mon humeur change radicalement lorsque je perds. J’associe parfois mes défaites à mes rituels de pré-jeu ou je soupçonne que quelqu’un m’a porté malchance », renchérit-il.  

Un des comportements les plus fréquents associés à la dépendance au jeu est le mensonge, selon M. Miville-Deschênes. « La majorité des proches des personnes dépendantes sont au courant qu’ils jouent, mais ne savent pas à quelle fréquence et quelles sommes [d’argent] sont versées [dans les jeux en ligne] », affirme-t-il. 

Justin n’y échappe pas. « Je fais savoir à mes proches que je joue par l’entremise de blagues. Je fais cela pour désensibiliser le tout. Évidemment, ils ne sont pas au courant de l’ampleur de la situation », concède-t-il. 

À la suite de ses propres démarches professionnelles, M. Miville-Deschênes a constaté qu’entre 10 % à 15 % des proches d’une personne dépendante sont affecté(e)s de manière psychologique, financière et physique par cette obsession.

Le bourbier de l’avenir

Depuis quelques années, les jeux de hasard et d’argent ont fait leur apparition dans les jeux vidéo destinés aux personnes mineures. Notamment vues sous forme de coffres à butin et de roues de fortunes, plusieurs tactiques sont créées par les développeurs et les développeuses de jeux vidéo pour inciter les jeunes à s’intéresser aux jeux de hasard, selon Christophe Miville-Deschênes. 

Le manque de régulation des mécaniques de jeux de hasard et d’argent dans les jeux pour les personnes mineures, dont les coffres à butin et les roues de fortunes, inquiète Mme Bonenfant. « Nous sommes en train de normaliser et de banaliser ce type de mécaniques. Dans quelques années, qu’allons-nous faire avec ces mineurs qui seront devenus adultes et qui ne verront aucun problème aux mécaniques associées au jeu d’argent ? », questionne-t-elle. 

Mme Bonenfant propose de rendre ces dispositifs incitant les jeux de hasard et d’argent illégaux auprès des personnes mineures. La professeure croit que la population doit agir maintenant afin de régler ce potentiel problème de santé publique. 

*Prénom fictif afin de conserver l’anonymat 

Mention photo : Camille Dehaene | Montréal Campus

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