La vague de dénonciations via le mot-clic #MoiAussi a été le point de départ d’une médiatisation accrue des violences faites aux femmes depuis les dernières années. Plusieurs victimes se sont tournées vers les médias pour partager leur histoire. Cependant, des experts et des expertes constatent que la médiatisation de cet enjeu peut victimiser les agresseurs.
Nathalie Collard, autrice et éditorialiste à La Presse, souligne que les médias ont appris des mouvements de dénonciation des violences sexuelles. « Au début, il y avait [dans les médias] une façon de traiter les agressions et c’était tout le temps du point de vue de la criminalité. Avec #MoiAussi, ça a complètement changé [pour permettre aux victimes de raconter leur histoire] », souligne Mme Collard.
Depuis #MoiAussi, « on peut parler de culture du viol et de problème systémique concernant les violences de genres », appuie Mélissa Blais, professeure associée au Réseau québécois en études féministes.
« Tout le monde cherche la bonne façon de parler [des violences sexuelles] », précise Mme Collard. Les médias donnent davantage la parole aux victimes depuis #MoiAussi, ce qui permet à celles-ci d’avoir le contrôle sur le message qu’elles veulent envoyer au grand public. « Partout, il y a des victimes qui se sont tournées vers les médias pour raconter leur histoire, parce qu’elles avaient l’impression que c’était important que ce soit dit, que ce soit su. Les journalistes ont mis en lumière ces histoires-là », affirme Mme Collard.
Les artisans et les artisanes de l’information ont un devoir de neutralité. Cependant, cette objectivité ne doit pas être la cause d’un manque d’empathie, nuance Nathalie Collard. Elle explique qu’en tant que journaliste, « tu es responsable des confidences qu’on te fait et souvent, il y a des personnes qui parlent qui sont encore très fragiles. Parfois, ce sont des histoires pleines de douleur et il faut faire très attention ».
Elle précise aussi qu’en publiant les témoignages des victimes, un travail rigoureux de vérification des faits est primordial. Les journalistes doivent user de « doigté » afin d’éviter de tomber dans le sensationnalisme, ajoute l’éditorialiste.
Des ressources pour les victimes
Mathilde Trou, coresponsable des dossiers politiques pour le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, se réjouit de la médiatisation grandissante des violences faites aux femmes.
« Quand il y a des campagnes de sensibilisation qui sont menées et qui sont relayées par les médias, on voit que dans nos maisons, il y a beaucoup plus d’appels. Quand ils parlent du sujet de la violence conjugale, ça rejoint des femmes qui vont pouvoir se reconnaître », témoigne Mme Trou.
Certains médias, à la fin des articles traitant de violence conjugale, ajoutent les coordonnées de ressources comme SOS violence conjugale, un choix éditorial qu’appuie Mme Trou.
Les contrecoups de la médiatisation
Les médias peuvent toutefois engendrer de la « stigmatisation » et n’assurent pas une « prise de conscience » réelle pour certains agresseurs, selon Clément Guèvremont, thérapeute conjugal et familial chez Option. Cet organisme communautaire offre des services de soutien et de psychothérapie aux personnes qui ont des comportements violents dans leurs milieux conjugaux et familiaux.
M. Guèvremont considère que les dénonciations en ligne, comparativement à celles qui passent par le système judiciaire, n’ont pas le même impact pour les agresseurs. Avec celles publiées sur les réseaux sociaux, les agresseurs « peuvent se percevoir comme des victimes », déclare-t-il.
L’organisme Option travaille auprès de sept groupes d’aide aux personnes présentant des comportements violents, dont cinq sont des groupes d’hommes. M. Guèvremont soutient que les hommes qui viennent chercher de l’aide sur une base volontaire sont « l’exception ». La majorité d’entre eux ont subi des procès devant la Cour criminelle ou le tribunal de la jeunesse. Ces processus judiciaires les ont menés à consulter les thérapeutes d’Option.
M. Guèvremont est d’avis que la couverture médiatique des violences conjugales et familiales est primordiale. « Ça sensibilise à la fois les victimes directes et indirectes et les auteurs de violence à venir consulter », souligne-t-il.
Mention illustration : Camille Dehaene | Montréal Campus
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