Ce texte est paru dans l’édition papier du 30 novembre 2022
Les personnes transgenres peuvent être confrontées à de nombreux obstacles financiers durant leur transition. Même si les opérations de vaginoplastie et de phalloplastie sont aujourd’hui payées par le gouvernement provincial, le combat est loin d’être gagné pour ceux et celles qui doivent porter le fardeau financier des autres opérations.
Ash Paré est une personne trans non binaire qui a commencé sa transition médicale il y a quatre ans. L’étudiant(e) à la maîtrise en travail social à l’Université McGill a eu recours à une chirurgie de mastectomie, soit l’ablation des seins. Cette opération était gratuite, contrairement à sa chondrolaryngoplastie, qui permet la réduction de la pomme d’Adam et qui lui a coûté près de 6000 $. Ash affirme que pour certaines personnes, l’ensemble des chirurgies considérées comme esthétiques « peuvent finir par coûter 75 000 $ ».
Shaun Lessard, étudiant au baccalauréat en enseignement de l’éducation physique et à la santé à l’Université du Québec à Montréal, a entamé les démarches pour sa transition à l’âge de 18 ans. Ses opérations ont été couvertes par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Malgré cette aide financière, il mentionne que pour lui, « les plus gros fardeaux financiers sont les rencontres avec la sexologue et la médication à prendre à vie ».
Pour Marie-Michelle Grenier, bénévole pour l’organisme Aide aux Trans du Québec, c’est à 16 ans que sa dysphorie de genre a commencé à se manifester, soit le sentiment que son sexe attribué à la naissance ne correspondait à son identité de genre. Elle a entamé sa transition à l’âge de 54 ans. Marie-Michelle, qui est aussi avocate, estime avoir dépensé autour de 80 000 $ pour l’ensemble de ses chirurgies, de ses rencontres et de ses suivis.
Des emplois moins payants
Ash affirme que « même si la plupart des personnes trans ont une scolarité plus élevée que la moyenne en termes d’années d’études et de qualifications, elles ont tout de même un salaire nettement inférieur » au reste de la population. Cette affirmation est appuyée par les résultats d’une étude de 2019 de Trans PULSE Canada qui indique que, malgré des niveaux élevés d’éducation, les personnes transgenres et non binaires ayant participé à l’étude sont sous-employées.
Iel explique que les personnes transgenres occupent souvent des emplois communautaires moins bien rémunérés que ceux pour lesquels elles sont qualifiées, puisque ces postes sont mieux adaptés à leurs besoins. Dans les milieux de travail qui ne le sont pas, les personnes transgenres peuvent se sentir invalidées et subir des micro-agressions par ceux et celles qui ne sont pas éduqué(e)s quant à leur réalité.
La santé mentale affectée
Selon Shaun, le fait de ne pas avoir accès gratuitement aux opérations considérées comme esthétiques peut nuire à la santé mentale des personnes transgenres. « Est-ce que c’est vraiment esthétique si cela vient [combler] une détresse profonde ? », se demande-t-il.
Pour sa part, Ash explique que sa santé mentale est affectée par le système de santé du Québec. Les personnes transgenres ont tendance à éviter le système public, notamment par peur de rencontrer un ou une spécialiste transphobe ou peu renseigné(e) sur leurs enjeux. « Pour avoir des soins convenables, la plupart de ces personnes vont dans le système privé, ou bien elles vont utiliser les ressources communautaires, qui débordent », précise-t-iel.
Des solutions concrètes
Ash est d’avis que le gouvernement provincial devrait instaurer un système de santé mentale universel pour rendre les services plus accessibles aux personnes transgenres. De plus, selon iel, une autre solution serait de « rendre l’ensemble des chirurgies […] gratuites et accessibles pour les personnes transgenres parce que ce n’est pas un luxe, [mais bien] une question de santé publique ».
Pour sa part, Marie-Michelle considère que les personnes transgenres devraient avoir une plus grande admissibilité à certaines chirurgies, comme celles pour la réduction de la pomme d’Adam et les poils au visage et au corps. Elle pense que ces services devraient être couverts par la RAMQ.
La bénévole pour l’organisme Aide aux Trans du Québec affirme que, présentement, le système de santé n’est pas assez inclusif et nuit au bien-être des personnes transgenres. Ce système « pourrait être bonifié afin de […] diminuer leur charge financière, [ce qui les rendrait] plus fonctionnelles et heureuses dans la société », conclut-elle.
Mention photo : Lucie Parmentier | Montréal Campus
Laisser un commentaire