Le festival Coup de cœur francophone (CCF) a achevé sa 36e édition le 13 novembre dernier après 11 soirées de spectacles musicaux à travers plusieurs salles et bars montréalais. Cette programmation dans la métropole n’est que la pointe de l’iceberg du réseau pancanadien du festival.
« On est, à Montréal, le doyen des festivals de la chanson francophone. On demeure des artisans, comparativement aux autres gros festivals, mais des artisans qui sont reconnus par l’industrie », explique Alain Chartrand, directeur général et artistique de CCF.
L’idée d’un festival entièrement consacré à la chanson en français a pris naissance en 1986, à la suite du constat commun d’Alain Chartrand, de François Blain, de Laurent Legault et de Pierre Larivière, diffuseurs et cofondateurs du festival, qu’aucun événement du genre n’existait à Montréal. Un an plus tard, le projet se réalisait sous le nom de « Coup de cœur francophone ».
La première édition du festival, s’étant tenue au Collège de Maisonneuve, avait présenté des artistes d’ici et d’ailleurs, populaires comme ceux et celles de la relève. Un reflet de l’édition de cette année, puisque la programmation 2022 comptait autant des musiciens et musiciennes établi(e)s, tels que Vincent Vallières ou Richard Séguin, que d’artistes débutant leur carrière, comme Marilyne Léonard ou Lonny.
Les artistes belges Clemix et Piwi Leman se retrouvaient aussi parmi la programmation 2022.
D’un océan à l’autre
En 1992, un premier spectacle de CCF est présenté à l’extérieur du Québec à l’Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Trois ans s’écouleront, et le réseau pancanadien, comme il est connu aujourd’hui, sera mis en place. À son origine, il regroupait huit partenaires présents dans sept provinces du Canada.
Cette année, plus de 50 villes faisaient partie de l’aventure en offrant des concerts en français sur le sol canadien, que ce soit dans les Territoires du Nord-Ouest, au Manitoba ou encore au Yukon.
Mylène Beaulieu, directrice régionale de l’Association canadienne-française de l’Alberta dans la municipalité de Lethbridge et diffuseuse de cette édition de CCF, voue une grande reconnaissance à ce réseau : « [Sur notre territoire, on retrouve] plus de 12 000 personnes pouvant parler le français à la maison. Donc, pour nous, la question d’offrir à notre communauté des événements en français est tellement importante. C’est une question de vitalité », exprime-t-elle.
Depuis la création du réseau pancanadien de CCF, 2 800 spectacles en français ont été présentés dans 80 villes du pays, précise Alain Chartrand.
Un festival comme nul autre en son genre
« Ce réseau-là, à travers le Canada, c’est un geste de solidarité par rapport à la francophonie canadienne, commente le directeur de CCF. On n’est pas Evenko, on n’est pas Live Nation. C’est la force d’une solidarité et d’un travail avec des gens qui sont dans la même famille que nous, autant au Canada qu’en Europe. Ça permet de pallier un certain isolement. »
Comparativement à Osheaga, au Festival International de Jazz de Montréal ou au Festival d’été de Québec — dont la programmation se limite à la province de Québec — CCF se distingue par un terrain de jeu d’envergure nationale.
Selon un rapport de Statistique Canada datant d’août 2022, environ 7,2 millions d’habitants et d’habitantes du Canada déclarent le français comme leur langue maternelle, soit un peu moins du quart de la population. Sur ce chiffre, près d’un million résident en dehors du Québec.
Un héritage à défendre
La conservation de la langue française dans l’industrie musicale s’est déjà mieux portée. D’après un rapport de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo de 2019, les quatre stations montréalaises CKOI, Énergie, Rythme et Rouge diffusaient en moyenne 89 % de musique anglophone sur leurs ondes lors des heures de grande écoute (de 9 h à 18 h) en fin de semaine.
Des statistiques de l’Observatoire de la culture et des communications du Québec datant de 2021 permettent le même constat. Sur une tranche de 11 semaines, 4,6 milliards de chansons ont été écoutées par des Québécois et Québécoises via des services en ligne. À peine 9 % de ces chansons provenaient d’artistes de la province.
L’industrie de la musique anglophone peut sembler plus facile d’accès, l’anglais étant la langue la plus parlée dans le monde avec ses 1,3 milliard de locuteurs et de locutrices. Malgré tout, de nombreux et nombreuses artistes choisissent de chanter en français. « Je ne sais pas si je serais capable de véhiculer une émotion dans une langue qui n’est pas la mienne », partage Daran, un auteur-compositeur-interprète français.
Alain Chartrand estime qu’il faut multiplier les efforts pour sauvegarder la langue française. « Le français, c’est pour nous un trésor », conclut-il.
Mention photo : Alexandre Guay
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