Au Département de musique, des inscriptions en decrescendo

Depuis quelques années, les programmes de musique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) observent une baisse d’intérêt générale. Les conséquences de la COVID-19 ainsi que l’incertitude du milieu artistique expliquent ce phénomène.

Les statistiques confirment cette pente descendante : en 2016, 229 applications pour le baccalauréat et la majeure en musique avaient été traitées par l’Université, contre 126 demandes d’admission reçues cette session.

Selon Steven Poirier, membre de l’Association des étudiantes et des étudiants en musique de l’UQAM, la pandémie aurait désenchanté plusieurs jeunes face aux études en musique, comme « le milieu des arts […] est très incertain », affirme-t-il.

Un rapport de l’Union des artistes, publié le 15 mars dernier, démontre que plus de 30 000 personnes ont perdu leur emploi dans le secteur culturel à la suite de contrecoups de la pandémie de COVID-19.

Steven Poirier rapporte également que nombre d’élèves se tournent vers d’autres programmes, puisqu’un diplôme universitaire en musique ne garantit pas un succès dans le milieu, ni même une carrière viable.

« Le gouvernement priorise les emplois payants et d’avenir. La musique ne rentre pas nécessairement dans ce créneau-là », souligne-t-il.

D’après l’étudiant, le manque d’intérêt pour la musique chez les jeunes tire sa source de l’enseignement dans les écoles secondaires. Seulement deux crédits sur les 54 nécessaires à l’obtention d’un diplôme d’études secondaires sont reliés à la pratique des arts. Comme les cours d’art n’incluent pas forcément la musique, cette dernière devient souvent optionnelle dans le cheminement scolaire.

Une approche (presque) unique

L’UQAM ne propose que deux programmes de musique au premier cycle, soit le baccalauréat et la majeure. Bien qu’une concentration en enseignement et une concentration en pratique artistique (de style classique ou populaire) soient disponibles à l’Université, la gamme de choix offerte demeure loin de celle que l’on retrouve à l’Université de Montréal. Cette dernière propose une vingtaine de programmes aux étudiants et étudiantes de premier cycle, incluant des spécialisations en composition, en musicologie ou encore en interprétation jazz.

Néanmoins, l’UQAM reste une des deux universités dans la grande région de Montréal à offrir un baccalauréat comportant une concentration d’enseignement musical, la deuxième étant l’Université McGill. « Il y a plusieurs autres [volets outre] l’interprétation que l’on peut exploiter en musique », précise Sébastien B de Deus, étudiant de première année en musique à l’UQAM. Les autres établissements qui présentent une telle concentration en enseignement sont l’Université Laval et l’Université de Sherbrooke.

Du côté du Conservatoire

« C’est une grande responsabilité que de former des artistes, des musiciens et des musiciennes qui seront le monde de la culture de demain », commente Marc Hervieux, chanteur lyrique et directeur général du Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec. « Il faut que les gens sachent qu’il y a une possibilité dans leur vie d’étudier [la musique], que ce soit au Conservatoire ou à l’université », soutient-il.

À l’encontre de l’UQAM, le réseau des Conservatoires n’observe pas une baisse radicale de l’intérêt porté envers ses programmes. Une tendance qui réjouit M. Hervieux puisque, selon lui, l’état du milieu artistique après deux ans de pandémie pourrait en décourager plusieurs.

« On le sent en général, dans le milieu professionnel, que des gens se sont remis en question, soutient-il. [Ces réflexions sont] les conséquences de ce qu’on a fait avec le milieu de la culture pendant la pandémie. Forcément, quelqu’un qui voulait s’enligner dans une carrière comme ça, il se dit « peut-être que je vais y repenser, peut-être que je serais mieux de faire autre chose ». »

Un rayon de soleil

Malgré la baisse d’inscriptions observée dans les programmes de musique de l’UQAM, Steven Poirier demeure optimiste quant à l’avenir de l’industrie artistique. « Il y a quand même une grosse valorisation des arts en général [chez les jeunes], dénote-t-il. [La jeunesse] est vraiment soucieuse de comment la musique va évoluer. »

Une commission d’étude est en cours à l’Université, pour réfléchir au futur du département. « En ce moment, il y a une réforme pour que les programmes de pratique artistique et d’enseignement changent. Ça ne va pas changer du tout au tout, mais au moins, les programmes vont être plus alléchants pour les personnes qui vont vouloir venir étudier en musique à l’UQAM », conclut Steven. 

Mention photo : Camille Dehaene | Montréal Campus


Correctif :

Une version précédente de ce texte se référait à la « Faculté de musique de l’UQAM ». On devait plutôt lire le « Département de musique de l’UQAM ». 
Dans la première version de l’article était omis que la direction du Département de musique de l’UQAM n’avait pas donné suite aux demandes d’entrevue du Montréal Campus. 
Certaines informations ont été révisées à la suite d’échanges par courriel avec Danick Trottier, directeur du Département de musique de l’UQAM. 

Commentaires

2 réponses à “Au Département de musique, des inscriptions en decrescendo”

  1. Avatar de Danick Trottier
    Danick Trottier

    Mercredi 16 novembre 2022

    L’article cité en objet n’a pas été réalisé avec rigueur et repose davantage sur des opinions que sur une lecture critique et rigoureuse des faits. J’ai, à titre de directeur du Département de musique, transmis une réplique au journal, que la rédaction de ce dernier refuse de publier. Ce que ne dit pas la rédaction est que les correctifs apportés ont été faits suite à mon intervention. J’invite les lectrices et lecteurs du journal à lire ma réplique sur la page Facebook du Département de musique de l’UQAM : https://fr-ca.facebook.com/musique.uqam/ .

    Bien à vous,

    Danick Trottier

  2. Avatar de Sylvie Genest
    Sylvie Genest

    Malgré la présence de quelques erreurs, cet article de Montréal Campus a le mérite d’inviter les universités à entreprendre une réflexion introspective sur l’avenir général de ses programmes de formation musicale traditionnelle : par « formation traditionnelle », j’entends celle qui passe par la maîtrise d’un instrument et de son répertoire, et par la construction de « liens sociaux forts » comme c’est le cas de tout milieu de travail fonctionnant sur le mode de la cooptation. Par comparaison, une formation actualisée devrait plutôt se concentrer sur le développement de fonctions cognitives dites « du futur » telles que celles-ci ont-été identifiées par des études récentes. Selon The Institue for the Futur ( https://legacy.iftf.org/futureskills/ ), les compétences recherchées par les entrepreneurs de demain, tous domaines confondus, sont justement celles qu’on développe nécessairement lorsqu’on pratique un art de création comme la danse ou la musique. On peut citer la pensée critique, la pensée systémique, la mobilité conceptuelle dans un environnement complexe sans négliger les compétences sociales nécessaires à la collaboration, au respect, à l’éthique et à l’ouverture interculturelle. Pour paraître audacieux, un tel virage des programmes de formation musicale traditionnelle n’en paraît pas moins urgent. Il a aussi l’avantage d’écarter les questions administratives de « quantité » ou idéologiques de « qualité » pour se concentrer plutôt sur la question du changement stratégique, qui me semble beaucoup plus significative en ce temps de toutes les obsolescences.

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