Quand vient le temps de faire un choix d’études, une question s’impose pour les aspirants et aspirantes artistes qui vivent en région. Partir vers Montréal, poumon culturel provincial, ou rester chez soi pour y développer sa carrière?
Marie Gingras et Molly Bertrand sont toutes deux étudiantes au baccalauréat en arts visuels à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Elles sont originaires de Rouyn-Noranda en Abitibi-Témiscamingue et elles ont dû quitter leur foyer pour continuer leur formation. « Ce baccalauréat ne se donne tout simplement pas en Abitibi, alors si je voulais poursuivre mon rêve, je n’avais pas d’autres choix que de quitter la région », raconte Marie.
Molly, quant à elle, a choisi l’UQAM pour la qualité du programme offert et croit qu’elle aurait négligé sa carrière en restant à Rouyn-Noranda. « Je suis vraiment une fille de région, et ça fait partie de ma démarche artistique, donc c‘est dur, le choc urbain », confie la jeune femme, qui n’aurait pas déménagé si un programme correspondant à ses ambitions existait en Abitibi-Témiscamingue.
Façonner son art en région
Même si pour les deux étudiantes, la grande ville est un passage obligatoire pour récolter un bagage et un réseau de contacts, elles ne se sentent pas forcées d’y demeurer après leurs études. « En regardant tous les excellents artistes qui habitent [en Abitibi-Témiscamingue] et qui s’épanouissent dans leur art, ça me donne envie et ça me montre que c’est possible d’en vivre », se réjouit Marie. Elles pensent aussi que malgré la terre d’opportunités qu’est Montréal, c’est plus difficile de se démarquer parmi la masse.
Plusieurs programmes régionaux permettent d’ailleurs aux jeunes d’effectuer des parcours en art sans s’exiler. Salomay Julien, qui veut développer une pratique combinant chant et performance, a choisi d’étudier au Conservatoire de musique de Val-d’Or.« Je n’ai pas l’impression de m’être fermé des portes en restant en région. J’aurai juste à diffuser mon art sur les réseaux sociaux, à aller aux événements, à contacter [les différents musées]. On a une bonne visibilité », remarque-t-elle.
La directrice générale de Culture Saguenay-Lac-Saint-Jean, Gabrielle Desbiens, croit également que les régions du Québec permettent de développer des compétences dans le domaine culturel. « Ce qui contribue à approfondir cet écosystème [ici], c’est l’Université du Québec à Chicoutimi, qui offre plusieurs programmes en arts », mentionne-t-elle.
Se rapprocher de l’industrie
Gabrielle Desbiens avance qu’au Saguenay-Lac-Saint-Jean, c’est environ 3000 travailleurs et travailleuses culturel(le)s qui contribuent à la richesse du milieu. Toutefois, certains et certaines ne trouvent pas leur compte dans ces réseaux régionaux. Annie-Claude Caron, une réalisatrice qui désirait travailler en Abitibi-Témiscamingue, en fait partie. « On va déménager [près de Montréal] pour pouvoir avoir une proximité avec le milieu », raconte-t-elle.
Ayant un fort sentiment d’appartenance à ce territoire, elle a tenté d’y réaliser un court-métrage, mais a constaté des lacunes. « Pour le cinéma de fiction, je crois que tu as vraiment plus de chance de réussir quand tu es à Montréal, et c’est vraiment une question d’où sont l’industrie, les contacts, le matériel et toute la main-d’œuvre », constate la cinéaste.
Selon elle, un financement supplémentaire pourrait être accordé aux productions artistiques développées à la périphérie de la métropole, pour y faire venir de la main-d’œuvre de Montréal et du même coup former des gens des régions.
« Artistes éponges »
Contrairement à Annie-Claude, Dominic Leclerc est un cinéaste qui a choisi de vivre de son art en Abitibi-Témiscamingue, même si cela implique d’adapter sa pratique à ce contexte. « Ma façon de faire du cinéma a été façonnée par ma région », affirme-t-il. Il est conscient de l’importance de garder un lien avec la métropole pour le réseautage et le marketing, mais est stimulé par le défi de créer des œuvres à l’image de son territoire.
« Un artiste est une éponge qui transforme la réalité en œuvre, donc rendu là, il peut être partout sur la planète », souligne Dominic, qui rappelle que la valeur d’une démarche artistique ne dépend pas nécessairement du lieu de création.
La directrice générale de Culture Saguenay-Lac-Saint-Jean ne manque pas d’exemples pour illustrer des carrières artistiques prolifiques dans son coin de pays : neuf compagnies de théâtre professionnelles, 18 musées, cinq sociétés d’histoire et un orchestre symphonique font notamment briller ce pôle culturel. « C’est en y étant qu’on saisit l’ampleur des opportunités possibles, mais comme partout, il faut mettre le nez dehors », conclut Gabrielle Desbiens.
Mention photo : Molly Bertrand
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