Il y a presque dix ans, le Drugstore, le dernier bar lesbien de Montréal, fermait ses portes. Depuis, les femmes de la communauté LGBTQ+ peinent encore à trouver des lieux pour se retrouver.
« En sortant à certains endroits dans le Village, je ne me sentais pas à ma place, comme si ce n’était pas ma communauté », explique Marie-Mai Savage. La jeune femme queer se demande si c’est son manque d’habitude dans des endroits du genre qui la rend inconfortable ou si c’est plutôt l’ambiance qui y règne. Elle déplore que ces établissements ne soient « pas assez destinés aux femmes. Je trouve que c’est plus pour les hommes gais cisgenres blancs », remarque-t-elle.
Sur Sainte-Catherine, les bars gais ne manquent pas : le Complexe Sky, le Club Date, le Stud, le Renard, l’Aigle Noir, et bien d’autres peuplent l’artère avec une effervescence intarrissable. Cependant, nombreuses sont les femmes queer qui hésitent à y sortir, ne se sentant pas toujours à l’aise dans des établissements fréquentés majoritairement par des hommes gais.
4 % de la population canadienne de 15 ans et plus appartenait à la communauté LGBTQ+ en 2018 selon Statistique Canada. L’Enquête sur la santé des collectivités canadiennes (ESCC) dévoile que plus de la moitié des membres de la communauté Lesbienne, Gai, Bisexuelle (LGB) canadienne sont des femmes.
De la place pour les femmes queer
Bien que certains bars, cafés et restaurants fassent davantage de place aux femmes queer, ceux qui leur sont entièrement dédiés sont peu nombreux, voir quasi-inexistants. On peut penser à Notre-Dame-des-Quilles, un bar décontracté qui offre la possibilité de siroter une bière pas trop chère en jouant une partie de quilles. Toutefois, cet endroit n’est pas officiellement reconnu pour son statut de bar lesbien et les personnes en entendent parler de bouche à oreille, sur les réseaux sociaux et sur les forums de discussions.
En 2005, dans le cadre de la journée internationale des femmes, un colloque sur la visibilité lesbienne intitulé « Les lesbiennes sortent » a été organisé par Gai Écoute, un organisme d’écoute et d’aide au téléphone pour la communauté LGBTQ+. « Nous devons d’abord reconnaître cette réalité, la dire et en parler. Nous devons aussi réfléchir aux façons d’encourager et de soutenir les lesbiennes à prendre leur place dans la société », dénonçait à l’époque la vice-présidente de l’organisme, Magali Deleuze.
Une revivification du secteur
C’est seulement 17 ans plus tard, que la Ville de Montréal a annoncé une initiative pour revamper le Village, durement touché par la pandémie. Outre l’annonce d’une nouvelle structure pour succéder aux emblématiques boules roses de la rue Sainte-Catherine, l’arrondissement de Ville-Marie a tenu un Forum collaboratif sur l’avenir du quartier en 2022. Mené par le Comité sur l’Avenir du Village (CAVI) et chapeauté par la Corporation de développement communautaire (CDC) Centre-Sud, le rendez-vous citoyen tenait à créer un espace d’expression où tous et toutes avaient leur mot à dire sur la refonte du Village.
En amont de cet événement, une ethnographie a été réalisée par la Société de développement commercial (SDC) du Village en partenariat avec la CDC Centre-Sud en 2019 et 2020. Forte d’une cinquantaine d’entretiens avec des commerçants et commerçantes, acteurs et actrices communautaires, résidents et résidentes et autres, l’étude brosse un portrait détaillé du quartier et des aspirations de sa communauté.
Les autrices de l’ethnographie, Méralie Murray-Hall et Francis Ihaza, recommandent la création d’un « environnement sécuritaire et accueillant ». Selon elles, cela passerait par la promotion « des Fiertés inclusives qui reconnaissent l’histoire des luttes et des revendications des franges LGBTQ+ marginalisées ou sous-représentées » et la préservation « des espaces et des événements non mixtes pour toutes les communautés LGBTQ+ [avec] par exemple, l’organisation de soirées mensuelles spécifiquement pour femmes ou hommes trans. »
Une bonne nouvelle pour l’avenir ?
À l’annonce de la revitalisation du Village, Manon Massé, députée de Sainte-Marie-Saint-Jacques et co-porte-parole de Québec solidaire, s’est réjouit de l’initiative de Montréal. « Je suis heureuse de voir que la Ville travaillera main dans la main avec le comité Avenir du village [dans le cadre de] cette démarche de consultation et de planification qui aura pour objectif de revitaliser le Village au niveau de l’aménagement, du développement social et du développement économique », avait-elle mentionné.
En ce qui a trait au développement social et à l’inclusion des communautés marginalisées et invisibilisées au sein de la famille LGBTQ+, les acteurs et les actrices de la communauté semblent aussi faire preuve d’une volonté d’inclusion.
Devant le manque d’espaces réservés aux femmes queer, Marie-Mai Savage espère l’ouverture d’un bar lesbien à Montréal, d’un endroit « où on n’aurait pas peur d’être nous-mêmes, de se célébrer, même de se séduire un peu ! »
Mention photo : Manon Touffet | Montréal Campus
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