Toujours pas de salaire pour les stagiaires

Après des années à militer, les stagiaires auront finalement droit à une meilleure protection en milieu de travail grâce au projet de loi 14, déposé le 24 février à l’Assemblée nationale. Mais combien de temps devront-ils et elles encore attendre pour que leurs stages soient rémunérés?

Les mobilisations de 2018 et 2019 pour la rémunération et les droits des stagiaires ont porté fruit, du moins en partie. Les quelque 195 000 stagiaires au Québec pourront être protégé(e)s face au harcèlement et aux violences sexuelles, ainsi qu’avoir droit à des recours au Tribunal administratif du travail.

Des jours fériés et de maladies seront aussi garantis par la loi, de même que des congés sociaux lors du décès d’un proche, de la naissance ou de l’adoption d’un enfant, d’obligations liées à une personne à charge et, plus largement, pour des événements comme un mariage et des funérailles.

Ces nouveaux droits constituent un pas en avant, mais ce qui est frappant, c’est que ces derniers n’arrivent qu’en 2022. C’est désolant de voir comment les stagiaires sont considéré(e)s comme des employé(e)s de seconde zone en vertu de la loi.

Bien que ce projet de loi, qui devrait être adopté lors de la présente session parlementaire, soit vu comme une victoire par différents regroupements étudiants, il comporte certaines lacunes dans sa mouture actuelle.

Les congés de longue durée, dont les congés parentaux, en sont exclus, ce qui risque de pénaliser les femmes de manière disproportionnée en raison de conditions de travail moins bonnes que dans les domaines à prédominance masculine. Le document ne précise pas non plus quel type de stagiaire sera protégé. Que ce soit un stage d’observation, non obligatoire, ou de mise en œuvre des compétences, tous et toutes devraient avoir les mêmes droits.

Certains groupes étudiants s’inquiètent aussi des pouvoirs du Tribunal administratif du travail, qui constitue la première instance en cas de recours. Le Tribunal se réserve le droit d’intervenir dans le dossier universitaire des membres de la communauté étudiante. Or, ce dernier ne possède en théorie aucune expertise en la matière. Il est donc important que les rôles et les responsabilités des milieux de stage, des établissements d’enseignement et du Tribunal soient mieux définis.

Toutefois, la grande lacune reste que la rémunération des stagiaires est complètement écartée du projet de loi. Le droit à un salaire devrait pourtant être la base de toutes conditions de travail.

Camille Delrieu, membre du collectif Un salaire pour toustes les stagiaires, se réjouit de voir le dossier avancer. Elle croit cependant que ces nouveaux droits ne régleront pas la précarité vécue par les stagiaires. « Si tu fais une plainte pour harcèlement, ça prend énormément de preuves. C’est un processus difficile et long pour obtenir un gain de sa réclamation », explique la stagiaire en troisième année au baccalauréat en travail social à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Concernant la rémunération des stages, le gouvernement avait lancé un programme de bourses à la suite des grèves de 2019, mais elles sont insuffisantes. D’une valeur d’un peu plus de 2500 dollars, elles couvrent à peine les frais de scolarité. Ces bourses ne concernent que certains programmes et rien n’indique qu’elles seront pérennes. De plus, elles ne peuvent pas être combinées aux nouvelles bourses incitatives, qui seront octroyées à partir de l’automne prochain, afin de pallier le manque de personnel dans des secteurs stratégiques. Par ailleurs, seul(e)s les étudiants inscrits et les étudiantes inscrites à temps plein seront admissibles.

La solution ne passe donc pas par des bourses, mais par la salarisation des stagiaires. Une revendication clamée haut et fort lors des récentes journées de grève à la fin mars en marge de la sortie du budget 2022-2023. Le gouvernement, qui est pour l’instant resté muet comme une tombe, prêtera peut-être une oreille plus attentive en raison de la pénurie de main-d’œuvre. « Je pense que si on fait la grève des cours, mais aussi des stages, ça permet de mettre un moyen de pression et de montrer le travail que les stagiaires font dans les milieux », souligne Catherine Fontaine, aussi membre du collectif Un salaire pour toustes les stagiaires et étudiante en travail social.

C’est bien beau avoir des droits ou des bourses, mais encore faut-il être capable de payer son loyer. Tout travail mérite un salaire.

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