Les réseaux sociaux dans la mire du militantisme

Orchestrée en partie par le biais des réseaux sociaux, la grève étudiante de 2012 a frayé le chemin pour les mouvements sociaux qui ont suivi au Québec. Les militants et les militantes d’aujourd’hui souhaitent un équilibre entre la mobilisation sur le terrain et celle sur Internet.

« Le mouvement des carrés rouges a été la première grosse mobilisation qui a utilisé les réseaux sociaux pour se faire connaître », souligne Martine Desjardins, ex-présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ).

L’usage des réseaux sociaux, lors du Printemps érable, a connu une évolution. La création de pages Facebook a permis aux étudiants et aux étudiantes de rester informé(e)s sur la mobilisation. Au départ, Martine Desjardins indique que l’objectif était de s’assurer que les gens connaissent leur association étudiante affiliée.

À l’époque, le gouvernement utilisait les médias traditionnels pour répondre aux manifestants et aux manifestantes. Les médias sociaux offraient la possibilité aux jeunes de réagir en publiant des informations en opposition aux discours gouvernementaux.

Selon Martine Desjardins, « c’était une manière de se battre à armes égales ». Toutefois, la militante du Printemps érable n’a pas fait abstraction des médias traditionnels, confiant avoir parfois accordé six à sept entrevues par jour au pic de la mobilisation.

Malgré l’engouement alimenté par les réseaux sociaux, l’appel à la mobilisation ne pouvait se faire que sur ces plateformes. D’après l’ancienne présidente de la FEUQ, les médias sociaux ont permis de donner un élan à la mobilisation, mais la majorité des actions ont été faites dans la rue. « Je pense que pour qu’une mobilisation fonctionne, tu n’as pas le choix d’agir sur le terrain, de regarder les gens dans les yeux et de dire : “Tu vas venir à l’assemblée générale!” », insiste Martine Desjardins.

S’inspirer d’un mouvement

Le 27 septembre 2019, plus de 500 000 personnes se sont rassemblées aux pieds de la statue de George-Étienne Cartier, dans le parc du Mont-Royal, pour entamer une marche pour la justice climatique.

Pour les militants et les militantes de cette mobilisation, 2012 demeure l’exemple à suivre. Léonard Leclair, militant au sein de la Coalition étudiante pour un virage environnemental et social (CEVES), soutient que « 2012 a toujours été le comparatif. On souhaitait réaliser quelque chose de même ampleur, car on a vu que le mouvement étudiant pouvait avoir un impact fort. »

Selon lui, de tels résultats n’auraient pas pu être possibles sans les réseaux sociaux. Les informations concernant les grèves et les assemblées générales circulaient de façon quotidienne sur les plateformes numériques. « C’est beaucoup en ce qui concerne l’organisation et l’action de se mettre en commun que les réseaux sociaux ont pris une place importante », ajoute Léonard Leclair.

Décentraliser la cause

« Le fait qu’on ait réussi à rejoindre les étudiants et les étudiantes dans plusieurs régions, c’est grâce aux réseaux sociaux. C’était essentiel qu’on opère à partir de là », insiste le militant du CEVES.

Pour Josianne Millette, professeure agrégée au Département d’information et de communication de l’Université Laval, le Printemps érable représente « un moment d’expérimentation à grande échelle au Québec qui a permis de savoir ce qu’est une mobilisation d’ampleur avec les médias sociaux numériques et tout ce que ça implique avec l’accélération de la transmission des nouvelles ». D’après elle, il est nouveau pour une mobilisation d’être de si grande envergure et décentralisée.

Avec le raffinement des algorithmes sur les plateformes comme Facebook, le fil d’actualité que chacun et chacune voit est différent. Le travail d’utilisation des réseaux sociaux est plus complexe actuellement : les pages ou les événements sont plus difficiles à faire connaître que lors de la mobilisation étudiante de 2012, selon Martine Desjardins. « Je pense cependant que c’est encore un outil nécessaire, sauf que c’est beaucoup plus compliqué aujourd’hui, ça a apporté une fausse impression que c’était facile », souligne-t-elle.

Lors du mouvement pour la justice climatique de 2019, Léonard Leclair avait remarqué cette difficulté. « Il y a un effet pervers quand tout passe par les réseaux sociaux, parce que forcément si on veut être populaire, il faut opérer selon les codes, et parfois ça va corrompre un peu le message qu’on désire faire passer », explique-t-il.

Un outil complémentaire

« Il est important de voir la limite qu’ont les réseaux sociaux », admet Léonard Leclair.

Selon ce dernier, un travail sur le terrain est nécessaire pour que les mouvements sociaux puissent exister. Il crée des liens forts.

Léonard Leclair ajoute « qu’on ne peut pas espérer former des militants et des militantes uniquement sur Internet ».

Selon Martine Desjardins, la mobilisation classique reste prioritaire. « Je pense qu’il ne faut pas devenir paresseux dans nos engagements, je ne crois pas que Facebook et Twitter vont remplacer une mobilisation classique ».

Josiane Millette affirme quant à elle que ce ne sont pas les médias sociaux qui se mobilisent, mais les citoyens et les citoyennes. « On a tendance à penser que si on enlève les technologies, les gens ne se mobiliseront plus, pourtant on se mobilisait avant. »

Les experts et les expertes s’entendent pour dire que l’activisme est une manière de vivre, et non un statut Facebook. Léonard Leclair insiste sur ce fait : « il faut se rencontrer en vrai, il faut créer des communautés. Pour que ça perdure, il faut ancrer le militantisme dans nos modes de vie, dans notre quotidien ».

Mention photo Augustin de Baudinière | Montréal Campus

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *