N’ayant un nom que depuis le début des années 2000, la misophonie ー un trouble qui se traduit par l’intolérance, voire l’aversion, à l’égard de certains sons, souvent de provenance humaine ー est encore méconnue et peine à être diagnostiquée.
Hélène Roux a été diagnostiquée par son médecin, non sans mal. « Ce n’était pas encore trop connu, et je lui ai demandé de se renseigner, parce qu’il ne connaissait pas au départ. Après avoir fait ses propres recherches, il a posé le diagnostic », explique-t-elle.
La misophonie est souvent confondue, à tort, avec l’hyperacousie. Une méconnaissance des symptômes associés à chacun de ces troubles peut mener à un mauvais diagnostic. « La grosse différence c’est que la misophonie, c’est souvent relié à des sons spécifiques alors que l’hyperacousie, c’est plus général. La personne [qui souffre d’hyperacousie] va dire : “Tous les sons qui dépassent une certaine intensité, je trouve ça inconfortable” », explique le clinicien et professeur au département d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Montréal Ronald Choquette.
Souvent, les deux peuvent coexister. « On peut retrouver chez une personne atteinte de misophonie une hypersensibilité de la vie quotidienne », précise le psychologue spécialisé en thérapie intégrative et spécialiste des troubles liés à la perception sonore Nico Milantoni.
Un diagnostic difficile
La découverte relativement récente de la misophonie ne permet pas aux experts et aux expertes d’avancer des statistiques claires quant à la prévalence de ce trouble au sein de la population pour le moment, même s’il semble que les jeunes filles soient plus touchées. Pour le psychologue spécialiste, la vulgarisation scientifique nécessite plus de temps. « Quand quelque chose n’est pas compris, il est difficile de l’insérer dans des manuels de diagnostic », avoue-t-il. Il ajoute également qu’à ces difficultés-là s’ajoutent des tabous autour de la misophonie qui persistent. Ronald Choquette abonde dans ce sens : « Souvent les personnes [atteintes] ne sont pas prises au sérieux », révèle-t-il.
Seuls les médecins peuvent diagnostiquer la misophonie. Au sein de sa clinique, Nico Milantoni identifie le trouble et propose des solutions. La méthode Hipérion est un système numérique qui permet, à l’aide de tests psycho-acoustiques, d’étudier la façon dont la personne utilise son système d’écoute et de traiter de nouveau son système émotionnel grâce à la machine.
En excluant toute altération auditive, la clinique de M. Milantoni prouve qu’il s’agit d’un trouble suivant souvent un traumatisme ou une association négative entre une émotion et une situation, se manifestant tôt dans l’enfance et s’aggravant à l’adolescence.
Une atteinte émotionnelle
Le son le plus souvent victime de cette aversion est celui de la mastication. Hélène Roux ne fait pas exception. « C’est comme ça que ça s’est déclenché vers mes 10 ans, avec le bruit de la mastication. […] Ça stresse, ça donne des envies presque de meurtre, et après ça s’est étendu à d’autres bruits », explique-t-elle.
Les symptômes d’Hélène n’ont fait qu’empirer, et sont difficiles à gérer, même pour son entourage. « Ils ne l’acceptent pas. Ç’a été la cause de la rupture avec le père de mes enfants, parce qu’il ne comprenait pas », raconte-t-elle.
M. Choquette et M. Milantoni s’accordent pour dire que la misophonie est souvent dirigée vers une ou plusieurs personnes en particulier. « La misophonie est un trouble de l’adaptation émotionnelle émergeant le plus souvent d’un conflit interpersonnel », explique le psychologue. Mme Roux a son explication : « Ce sont souvent les gens avec qui on passe le plus de temps qui nous énervent le plus ».
Conséquences et solutions
« J’ai mal à l’intérieur en fait, décrit Hélène Roux. On ressent vraiment un malaise, et la seule solution que j’aie trouvée à ça, c’est de fuir ». Pour fuir, soit Hélène sort de la pièce, soit elle met son casque. « Ça me fait tellement mal que […] je me mets sur un autre bruit pour ne pas entendre », relate-t-elle.
La misophonie et les symptômes qu’elle implique mènent souvent à l’isolement des personnes qui en souffrent. « Comme c’est souvent causé par des humains, ça va faire en sorte que ces personnes vont se replier sur elles-mêmes, démontre Ronald Choquette. Souvent, les patients sont conscients que ce n’est pas rationnel, mais perdent le contrôle ».
La solution semble passer par la désensibilisation. « Il y a des programmes de désensibilisation, il y a la thérapie cognitivo-comportementale, mais souvent ce n’est pas en audiologie qu’on va travailler avec ces clientèles-là, explique le professeur Ronald Choquette. Il faut désensibiliser la personne aux sons qui sont agressants pour elle ».
Nico Milantoni propose une approche intégrative, qui consiste en une écoute retraitée par des mouvements acoustiques, pour désensibiliser l’hyperréactivité liée aux stimuli acoustiques, ainsi qu’une stimulation du nerf vague, source de l’émotion intense ressentie par la personne en contact avec le son.
Selon lui, il faut avoir la motivation suffisante pour changer son propre système de valeurs et ses jugements par rapport aux autres puisque la réaction émotionnelle est très souvent dirigée vers quelqu’un.
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